Conan Doyle considérait les aventures de Sherlock Holmes comme des ouvrages populaires, des livres de gare, et comptait sur d'autres textes pour être reconnu par ses pairs. Sir Nigel est un de ces romans, un de ses préférés, et il fut accueilli à sa sortie comme le plus grand roman historique depuis Ivanhoé. Écrit après La Compagnie blanche, il nous conte les premières aventures de Sir Nigel. Jeune seigneur, Nigel vit avec sa mère dans la précarité, en conflit avec le monastère voisin qui a réduit à peau de chagrin les propriétés héritées de son père. Mais les débuts de cette guerre, dont on ne sait pas encore qu'elle durera cent ans, vont lui donner l'occasion de s'engager dans l'armée du roi Édouard, pour guerroyer dans les possessions anglaises sur la terre de France. Nigel s'illustrera contre des pirates, lors de la traversée, dans des combats en Bretagne, avant de rejoindre le roi en Guyenne. Tournois, ripailles, embûches seront son quotidien, ainsi que de nombreux exploits. Ex

genre : Historical

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Sir Nigel

Arthur Conan Doyle

Publication: 1899

Catégorie(s): Fiction, Historique, XXe siècle avant 1945

Source: http://www.ebooksgratuits.com A Propos Doyle:

Sir Arthur Ignatius Conan Doyle, DL (22 May 1859 – 7 July 1930) was a Scottish author most noted for his stories about the detective Sherlock Holmes, which are generally considered a major innovation in the field of crime fiction, and the adventures of Professor Challenger. He was a prolific writer whose other works include science fiction stories, historical novels, plays and romances, poetry, and non-fiction. Conan was originally a given name, but Doyle used it as part of his surname in his later years. Source: Wikipedia

Disponible sur Feedbooks Doyle:

- Les Aventures de Sherlock Holmes (1892)

- Le Chien des Baskerville (1902)

- Une Étude en rouge (1887)

- Les Mémoires de Sherlock Holmes (1893)

- Le Monde perdu (1912)

- La Vallée de la peur (1915)

- Le Signe des quatre (1890)

- Les Archives de Sherlock Holmes (1927)

- Le Retour de Sherlock Holmes (1904)

- Son Dernier Coup d’Archet (1917)

Copyright: This work is available for countries where copyright is Life+70 and in the USA.

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Chapitre 1 LA MAISON DES LORING

Au mois de juillet de l’an de grâce 1348, entre la Saint-Benedict et la Saint-Swithin, l’Angleterre fut le théâtre d’un étrange événement : un monstrueux nuage apparut, venant de l’est, un nuage pourpre et massif, lourd de menaces, glissant lentement devant le ciel limpide. Et dans son ombre les feuilles séchèrent sur les arbres, les oiseaux cessèrent de gazouiller, bestiaux et moutons se blottirent contre les haies. Les ténèbres s’appesantirent sur le pays et les hommes, dont le cœur était lourd, gardèrent les yeux tournés vers cette nue terrifiante. Certains se glissèrent dans les églises pour y recevoir la bénédiction chevrotante de quelque prêtre angoissé. Les oiseaux avaient cessé de voler et l’on n’entendait plus les sons si plaisants de la nature. Tout était silencieux et immobile, à l’exception de la vaste nuée qui s’avançait, roulant ses immenses plis du fond de l’horizon. À l’ouest, on pouvait voir encore un riant ciel d’été cependant que, de l’est, la lourde masse glissait lentement jusqu’à ce que la dernière parcelle de bleu eût disparu et que le ciel tout entier ne parût plus qu’une grande voûte de plomb.

La pluie se mit alors à tomber. Elle tomba durant tout le jour et toute la nuit, durant toute la semaine et tout le mois, jusqu’à faire oublier aux gens ce qu’étaient un ciel bleu et un rayon de soleil. Ce n’était pas une pluie lourde, mais continue et glacée, que les gens se fatiguèrent vite d’entendre crépiter et dégouliner sur les feuillages. Et toujours, le même lourd nuage menaçant glissait de l’est à l’ouest en déversant son eau. La vue ne portait qu’à un jet de flèche des maisons, car la pluie formait comme un rideau mouvant. Et chaque matin on levait la tête, espérant apercevoir une accalmie, mais les yeux ne rencontraient jamais que le même nuage sans fin, si bien qu’on cessa même de regarder et que les cœurs désespérèrent. Il pleuvait à la fête de saint Pierre aux liens, il pleuvait encore à l’Assomption, il pleuvait toujours à la Saint-Michel. Le blé et le foin, détrempés et noirs, pourrissaient sur les champs, car ils ne valaient même pas la peine d’être engrangés. Les brebis étaient mortes, ainsi que les veaux, de sorte qu’il ne restait presque plus rien à tuer quand vint la Saint-Martin et qu’il fallut mettre la viande au charnier pour l’hiver. Le peuple redouta la famine, mais ce qui l’attendait était bien pire encore.

La pluie s’arrêta enfin et ce fut un maladif soleil automnal qui se mit à briller sur une terre détrempée. Les feuilles en putréfaction empestaient le lourd brouillard qui s’élevait des bois. Les champs se couvraient de monstrueux champignons de teintes et de dimensions telles qu’on n’en avait jamais vu auparavant : ils étaient écarlates, mauves, livides ou noirs. Il semblait que la terre malade se fût couverte de pustules ; les moisissures et le lichen maculaient les murs et la Mort jaillit de la terre noyée. Les hommes périrent, ainsi que les femmes et les enfants, le baron dans son château, l’affranchi dans sa ferme, le moine dans son abbaye et le vilain dans sa cabane de clayonnage et de torchis. Tous respiraient le même air malsain et tous mouraient de la même mort. De ceux qui étaient frappés, aucun n’en réchappait et le mal était partout semblable : énormes furoncles, délire et pustules noires qui donnèrent son nom à la maladie. Durant tout l’hiver, des cadavres pourrirent sur les côtés des routes, ne trouvant personne pour les enterrer. Dans de nombreux villages, il ne resta pas âme qui vive. Le printemps enfin arriva, et avec lui le soleil, la santé et le rire ; c’était le printemps le plus vert, le plus doux et le plus tendre que l’Angleterre eût jamais connu. Mais la moitié seulement de l’Angleterre put en jouir, car l’autre avait disparu avec le grand nuage pourpre.

Ce fut néanmoins dans ce fleuve de mort, dans cette puanteur de corruption que naquit une Angleterre plus éclatante et plus libre. Ce fut dans cette heure sombre que l’on vit pointer le premier rayon d’une aube nouvelle, car il ne fallait rien de moins qu’un grand soulèvement pour arracher le pays à l’étreinte de fer du système féodal qui lui enchaînait les membres. Ce fut un pays neuf qui se leva de cette année de mort. Les barons avaient été fauchés. Les hautes tours et les larges douves n’avaient pu retenir le noir fossoyeur qui les avait emportés. Les lois perdirent de leur force, faute d’un bras résolu pour les appliquer, et, une fois affaiblies, ne purent jamais reprendre leur vigueur. Le laboureur refusa désormais d’être un esclave. Le serf se mit à secouer ses fers. Il y avait beaucoup à faire, et il restait peu d’hommes. Il fallait donc que les rares survivants fussent des personnes libres d’agir, de fixer leurs prix et de travailler où et pour qui elles voulaient. La mort noire, et rien d’autre, ouvrit la voie au soulèvement qui devait, trente ans plus tard, faire du paysan anglais le paysan le plus libre de toute l’Europe.

Mais trop peu de gens étaient suffisamment perspicaces pour prévoir le bien qui allait naître de ce mal. À ce moment-là, la misère et la ruine frappaient chaque famille. Bétail crevé, récoltes pourries, terres incultes, toutes les sources de richesses avaient disparu dans le même temps. Les riches s’appauvrirent : mais les pauvres, et surtout ceux qui l’étaient en portant sur les épaules le fardeau de la noblesse, se trouvèrent dans une situation précaire. À travers toute l’Angleterre, la petite noblesse fut ruinée, car ses membres n’avaient d’autre occupation que la guerre et tiraient leur revenu du travail des autres. Dans plus d’un manoir il y eut de durs moments, et surtout au manoir de Tilford qui avait été durant de nombreuses générations le foyer de la famille Loring.

Il fut un temps où les Loring avaient gouverné toute la région entre les North Downs, cette chaîne de collines crayeuses du Hampshire et du Surrey, et les lacs de Frensham, un temps où leur sombre château, se dressant au-dessus des vertes pâtures bordant la rivière Wey, avait été la plus puissante forteresse entre la seigneurie de Guildford à l’est et celle de Winchester à l’ouest. Mais la guerre des Barons avait éclaté, au cours de laquelle le roi s’était servi de ses sujets saxons comme d’un fouet pour flageller les barons normands, et le château de Loring, à l’instar de beaucoup d’autres, avait été détruit de fond en comble. Dès lors, les Loring, leur domaine considérablement réduit, vivaient dans ce qui avait été le douaire, avec de quoi subvenir à leurs besoins mais privés de toute splendeur.

Puis avait eu lieu le procès avec l’abbaye de Waverley, lorsque les cisterciens avaient réclamé leurs terres les plus riches et les droits féodaux sur le reste. L’action intentée avait duré des années et, au bout du compte, les gens d’Église et les robins s’étaient partagé tout ce que le domaine comptait encore de richesses. Il restait cependant le vieux manoir, d’où à chaque génération sortait un soldat pour maintenir haut le nom de la famille et pour porter son écusson à roses de gueules sur champ d’argent là où on l’avait toujours vu, c’est-à-dire au premier rang de la bataille. Dans la petite chapelle où le père Matthew disait la messe chaque matin se trouvaient douze statues de bronze qui toutes représentaient des hommes de la maison de Loring. Deux avaient les jambes croisées, pour avoir participé aux croisades. Six avaient les pieds posés sur des lions parce qu’ils étaient morts à la guerre. Quatre seulement étaient figurées avec un chien, ce qui signifiait qu’ils étaient morts dans la paix.

De cette famille célèbre mais doublement ruinée par la loi et la peste, il ne restait plus, en l’an de grâce 1349, que deux membres en vie. C’étaient Lady Ermyntrude Loring et son petit-fils Nigel. L’époux de Lady Ermyntrude était tombé devant les hallebardiers écossais à Stirling, et son fils Eustace, le père de Nigel, avait trouvé une mort glorieuse, neuf ans avant le début de ce récit, sur la poupe d’une galère normande au combat naval de Sluys. La vieille femme solitaire, aussi fière et ombrageuse que le faucon enfermé dans sa chambre, ne faisait preuve de douceur qu’envers le jeune garçon qu’elle avait élevé. Toute la dose de tendresse et d’amour de sa nature féminine, si bien dissimulée aux yeux d’autrui que personne ne pouvait même en supposer l’existence, ne s’épanchait que sur lui. Elle était incapable de supporter qu’il s’éloignât d’elle, et lui, avec ce respect pour l’autorité que l’âge lui commandait, ne serait pas parti sans sa bénédiction ni son consentement.

C’est ainsi que Nigel, à l’âge de vingt-deux ans, avec son cœur de lion et le sang de cinquante guerriers bouillonnant dans ses veines, passait encore de mornes journées à réclamer son épervier avec des leurres, à dresser des chiens de chasse ou les épagneuls qui partageaient avec la famille la grande salle de terre battue du manoir.

Jour après jour, la vieille dame l’avait vu grandir en force et devenir un homme. De petite stature, il possédait des muscles d’acier et une âme ardente. De toutes parts, de la salle d’armes de Guildford Castle jusqu’à la lice de Farnham, on rapportait à la douairière les récits des prouesses de son petit-fils, vantant son audace comme cavalier, son courage débonnaire et son adresse dans le maniement des armes. Mais celle dont l’époux et le fils avaient trouvé une mort sanglante refusait la pensée que le dernier des Loring, unique bourgeon de cette célèbre vieille souche, pût subir le même sort. Le garçon supportait d’un cœur désabusé et avec le sourire les journées sans événements, à l’entendre toujours différer le moment qu’elle redoutait tant, en lui demandant d’attendre que la récolte fût meilleure, que les moines de Waverley eussent rendu ce qu’ils avaient pris, que l’héritage de son oncle lui permît d’entretenir ses troupes, bref en alléguant tous les motifs qu’elle pouvait imaginer pour le garder.

D’ailleurs la présence d’un homme était nécessaire à Tilford, car la lutte n’avait jamais cessé entre l’abbaye et le manoir, et, sous le premier prétexte venu, les moines cherchaient toujours à amputer un peu plus le domaine de leurs voisins. Par-delà la rivière serpentant au milieu des verts pâturages s’élevaient les sombres murs gris de l’abbaye, avec sa petite cour carrée et sa cloche sonnant chaque heure du jour et de la nuit, telle une voix lourde de menaces tonnant dans la direction du modeste manoir.

C’est au cœur même du grand monastère cistercien que s’ouvre cette chronique du temps passé qui déroule l’histoire des dissensions entre les moines et la maison de Loring et en rapporte les conséquences : les dernières sont l’arrivée de Chandos, l’étrange combat à la lance sur le pont de Tilford et les actions qui conférèrent à Nigel la renommée sur le champ de bataille. Remontons donc ensemble le temps, et contemplons cette verdoyante Angleterre : colline, plaine, rivière sont telles qu’on peut les voir encore aujourd’hui, mais les personnages, si semblables à nous-mêmes, sont pourtant si différents dans leur façon de penser et d’agir qu’on pourrait les croire venus d’un autre monde.

Chapitre 2 COMMENT LE DIABLE S’EN VINT À WAVERLEY

On était au premier jour de mai, fête des saints apôtres Philippe et Jacques, et en l’an de grâce 1349 de Notre-Seigneur.

De tierce à sexte, et de sexte à none, l’abbé de la maison de Waverley s’était trouvé assis dans son bureau à s’occuper des nombreux devoirs qui lui incombaient. Tout autour de lui, dans un rayon de plusieurs lieues, s’étendait le fertile et florissant domaine dont il était le maître. Au milieu se dressait l’imposante abbaye avec la chapelle, les cloîtres, l’hospice, la maison du chapitre et celle des frères, bâtiments qui grouillaient de vie. Par les fenêtres ouvertes, on entendait le bourdonnement des voix des frères qui déambulaient dans les promenoirs en poursuivant quelque pieuse conversation. À travers tout le cloître roulait, montant et descendant, un chant grégorien que le maître de chapelle faisait répéter au chœur ; dans la salle capitulaire tonnait la voix stridente du frère Peter qui exposait aux novices la règle de saint Bernard.

L’abbé John se leva pour détendre ses membres engourdis. Il regarda au-dehors vers les pelouses vertes du cloître et les lignes gracieuses des arcs gothiques qui entouraient un préau couvert pour les frères, lesquels, deux par deux, vêtus de bure blanche et noire, la tête inclinée, en faisaient le tour. Certains, plus studieux, avaient emporté de la bibliothèque des ouvrages enluminés et étaient assis dans le soleil chaud, avec leurs godets de couleurs et leurs feuilles à tranche dorée devant eux, les épaules arrondies et le visage enfoui dans le vélin blanc. Il y avait aussi le sculpteur sur cuivre avec son burin et son gravoir. L’étude et l’art n’étaient pas de tradition chez les cisterciens comme chez leurs parents de l’ordre des Bénédictins, cependant la bibliothèque de Waverley était copieusement fournie en livres précieux et ne manquait pas de lecteurs zélés.

Mais la vraie gloire des cisterciens résidait dans leur travail extérieur : aussi à tout moment voyait-on quelque moine de retour des champs ou des jardins traverser le cloître, le visage brûlé par le soleil, le hoyau ou la bêche à la main, la robe retroussée jusqu’aux genoux. Les grandes pâtures d’herbe fraîche tachetées par les moutons à l’épaisse toison blanche, les acres de terre conquises sur la bruyère et la fougère pour être livrées au blé, les vignobles sur le versant sud de la colline de Crooksbury, les rangées d’étangs de Hankley, les marais de Frensham drainés et plantés de légumes, les pigeonniers spacieux, tout cela entourait la grande abbaye et témoignait des travaux accomplis par l’ordre.

La face pleine et rubiconde de l’abbé s’illumina d’une calme satisfaction pendant qu’il contemplait sa maison, immense mais bien ordonnée. Comme chef d’une grande et prospère abbaye, l’abbé John, quatrième du nom, était un homme particulièrement doué. Il s’était personnellement doté des moyens qui lui permettaient d’administrer un vaste domaine, de maintenir l’ordre et le décorum et de les imposer à cette importante communauté de célibataires. Autant il faisait régner une discipline rigide sur tous ceux qui se trouvaient au-dessous de lui, autant il se présentait en diplomate subtil devant ses supérieurs. Il avait des entrevues, aussi longues que fréquentes, avec les abbés et les seigneurs voisins, les évêques et les légats pontificaux, et, à l’occasion, avec le roi. Nombreux étaient les sujets qui devaient lui être familiers. C’était vers lui qu’on se tournait pour régler des points allant de la doctrine de la foi à l’architecture, de questions forestières ou agricoles à des problèmes de drainage ou de droit féodal. C’était également lui qui, sur des lieues à la ronde, tenait dans le Hampshire et le Surrey la balance de la justice. Pour les moines, son déplaisir pouvait signifier le jeûne, l’exil dans quelque communauté plus sévère, voire l’emprisonnement dans les chaînes. Il avait aussi juridiction sur les laïcs – à ceci près toutefois qu’il ne pouvait prononcer la peine de mort, mais il disposait, à la place, d’un instrument bien plus terrible : l’excommunication.

Tels étaient les pouvoirs de l’abbé. Il n’était donc point étonnant de lui voir des traits rudes où se peignait la domination ni de surprendre chez les frères qui levaient les yeux et apercevaient à la fenêtre le visage attentif un réflexe d’humilité et une expression plus grave encore.

Un petit coup frappé à la porte du bureau rappela l’abbé à ses devoirs immédiats, et il retourna vers sa table. Il avait déjà vu le cellérier et le prieur, l’aumônier, le chapelain et le lecteur, mais, dans le long moine décharné qui obéit à son invitation à entrer, il reconnut le plus important et le plus importun de ses adjoints : le frère Samuel, le procureur, l’équivalent du bailli chez les laïcs et qui, en tant que tel, avait la haute main – au veto de l’abbé près – sur l’administration des biens temporels du monastère et son lien avec le monde extérieur. Frère Samuel était un vieux moine noueux dont les traits secs et sévères ne reflétaient aucune lumière céleste, mais uniquement le monde sordide vers lequel il était constamment tourné. Il tenait sous un bras un gros livre de comptes et de l’autre main serrait un immense trousseau de clés, insigne de son office. Occasionnellement aussi, il portait une arme offensive, ce dont pouvaient témoigner les cicatrices de plus d’un paysan ou d’un frère lai.

L’abbé soupira d’un air ennuyé, car il souffrait beaucoup entre les mains de son diligent adjoint.

– Alors, Frère Samuel, que désirez-vous ?

– Révérend Père, je dois vous rapporter que j’ai vendu la laine à maître Baldwin de Winchester deux shillings de plus à la balle que l’année passée, car la maladie qui a décimé les moutons a fait monter les prix.

– Vous avez bien fait, mon Frère.

– Je dois aussi vous dire que j’ai fait saisir les meubles de Whast, le garde-chasse, car le cens de Noël est toujours impayé, de même que la taxe sur les poules.

– Mais il a femme et enfants, mon Frère ! protesta faiblement l’abbé, qui avait bon cœur mais s’en laissait facilement imposer par son subalterne, plus intransigeant.

– C’est vrai, Révérend Père. Mais si je devais fermer les yeux sur lui, comment pourrais-je alors réclamer la redevance des ségrais aux forestiers de Puttenham, ou le fermage dans les hameaux ? Une pareille nouvelle se répandrait de maison à maison, et qu’adviendrait-il alors de la richesse de Waverley ?

– Qu’y a-t-il d’autre, Frère Samuel ?

– Il y a la question des étangs.

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Le visage de l’abbé s’illumina : c’était là un sujet sur lequel il faisait autorité. Si la règle de l’ordre l’avait privé des douces joies de la vie, il n’en avait qu’un plus grand penchant pour celles qui lui restaient.

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– Comment se portent nos ombles chevaliers, mon Frère ?

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– Ils prospèrent, Révérend Père, mais les carpes ont péri dans le vivier de l’abbé.

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– Des carpes ne vivent que sur un fond de gravier. Et puis il faut les mettre dans de justes proportions : trois mâles laités pour une femelle œuvée, Frère procureur. De plus, l’endroit doit se trouver à l’abri du vent, être rocailleux et sablonneux, avoir une aune de profondeur, et des saules et de l’herbe sur les bords. De la vase pour la tanche et du gravier pour la carpe.

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Le procureur s’inclina avec le visage de quelqu’un qui va annoncer une mauvaise nouvelle.

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– Il y a du brochet dans le vivier de l’abbé.

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– Du brochet ! s’exclama l’abbé horrifié. Autant enfermer un loup dans notre bergerie ! Mais comment peut-il y avoir du brochet dans l’étang ? Il n’y en avait point l’an passé, et le brochet, que je sache, ne tombe point avec la pluie, pas plus qu’il ne pousse comme les fleurs au printemps. Il nous faut drainer l’étang, sans quoi nous risquons fort de passer tout le carême au poisson séché et de voir tous les Frères frappés du grand mal avant que le dimanche de Pâques ne vienne nous délivrer de l’abstinence.

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– Le vivier sera drainé, Révérend Père, j’en ai déjà donné l’ordre. Nous planterons ensuite des herbes potagères sur la vase du fond et, après les récoltes, nous ramènerons eau et poissons du vivier inférieur, afin qu’ils puissent se nourrir des déchets qui resteront.

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– Très bien ! s’exclama l’abbé. J’ordonnerai qu’il y ait dorénavant trois viviers dans chaque maison ; un asséché pour les herbes, un creux pour le frai et les alevins, et un autre, plus profond, pour les reproducteurs et les poissons de table. Mais je ne vous ai toujours point entendu dire comment un brochet s’en est venu dans notre vivier.

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Un spasme de colère passa sur le fier visage du procureur et les clés grincèrent sous sa main osseuse qui les serrait plus fortement.

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– Le jeune Nigel Loring ! dit-il. Il a juré de nous faire grand tort et c’est ce qu’il a fait !

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– Comment le savez-vous ?

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– Il y a six semaines, on l’a vu, jour après jour, pêcher le brochet dans le grand lac de Frensham. Par deux fois, durant la nuit, on l’a rencontré sur le Hankley Down tenant une botte de paille sous le bras. Je gagerais que la paille était mouillée et qu’au milieu se trouvait un brochet vivant.

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L’abbé secoua la tête.

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– On m’a souvent parlé des façons sauvages de ce jeune homme, mais cette fois il a dépassé les bornes, si ce que vous me dites est vrai. C’était déjà bien assez d’abattre, à ce qu’on prétendait, les cerfs du roi dans la chasse de Woolmer ou de rompre les os au colporteur Hobbs, qui en était resté sept jours durant à l’article de la mort dans notre infirmerie et n’a dû la vie qu’aux compétences en simples du frère Peter. Mais glisser un brochet dans notre vivier !… Pourquoi donc nous jouerait-il un tour aussi diabolique ?

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– Parce qu’il hait la maison de Waverley, Révérend Père. Il prétend que nous nous sommes emparés indûment des terres de ses pères.

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– Point sur lequel il ne se trompe pas si lourdement…

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– Mais, Révérend Père, nous ne possédons rien de plus que ce qui nous a été octroyé par la loi.

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– Très juste, mon Frère, mais, entre nous, reconnaissons que le poids d’une bourse a de quoi faire pencher le bon plateau de la balance de la Justice. Du jour où je suis passé devant cette maison et où j’ai vu la vieille femme aux joues rouges dont les yeux lançaient la malédiction qu’elle n’osait proférer, j’ai souhaité plus d’une fois que nous eussions d’autres voisins.

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– Ou que nous pussions soumettre ceux-ci, Révérend Père. C’est justement de quoi je voudrais vous entretenir. Il ne nous serait certes guère difficile de les chasser de la région. Il nous reste trente ans de taxes à réclamer. Je pourrais charger le sergent Wilkins, l’avocat de Guildford, de récupérer ces arrérages du cens et les revenus du fourrage, si bien que ces gens, qui sont aussi pauvres qu’orgueilleux, devraient vendre tout ce qui leur reste pour pouvoir payer. En trois jours, ils seraient à notre merci.

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– Mais ils appartiennent à une ancienne famille et sont de bonne réputation. Je ne les traiterai point aussi rudement, mon Frère.

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– Souvenez-vous du brochet dans le vivier…

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Le cœur de l’abbé se durcit à cette pensée.

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– C’est en effet un acte diabolique, alors que nous venions de le peupler d’ombles et de carpes. Eh bien, la loi est la loi, et si vous pouvez vous en servir pour leur faire tort, il est légal d’agir de la sorte. Nos plaintes ont-elles été déposées ?

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– Le bailli Deacon s’est rendu au château hier au soir avec deux varlets pour la question des taxes, mais ils en sont revenus en courant, avec cette jeune tête chaude hurlant sur leurs talons. Il est petit et frêle mais, dans les moments de colère, il déploie la force de plusieurs hommes. Le bailli a juré qu’il n’y retournerait plus sans une dizaine d’archers pour le soutenir.

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L’abbé rougit de colère à l’évocation cette nouvelle offense.

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– Je lui apprendrai que les serviteurs de la sainte Église, même ceux qui, comme nous autres de la règle de saint Bernard, sont les plus bas et les plus humbles de ses enfants, savent encore se défendre contre l’obstiné et le violent. Allez et faites citer cet homme devant la cour abbatiale ! Qu’il comparaisse par-devant le chapitre, demain après tierce !

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Mais le rusé procureur secoua la tête.

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– Non, Révérend Père, le moment n’est point venu encore. Accordez-moi trois jours, je vous prie, afin que mon dossier contre lui soit complet. N’oubliez point que le père et le grand-père de ce jeune seigneur furent célèbres à leur époque, tous deux chevaliers en vue au service du roi, ayant vécu en grand honneur et morts en accomplissant leurs devoirs de chevaliers. Lady Ermyntrude Loring fut première dame d’honneur de la mère du roi. Roger Fitz-Alan de Farnham et Sir Hugh Walcott de Guildford Castle furent les compagnons d’armes du père de Nigel et de proches parents du côté de la quenouille. Le bruit a déjà couru que nous nous étions conduits durement envers eux. Ainsi donc, mon avis est que nous soyons sages et avisés et que nous attendions que la coupe soit pleine.

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L’abbé ouvrit la bouche pour répondre, lorsque la conversation fut interrompue par un vacarme inaccoutumé parmi les moines du cloître. Des questions et des réponses lancées par des voix surexcitées bondissaient d’un bout à l’autre du promenoir. Le procureur et l’abbé se regardèrent un moment, étonnés devant un tel manquement à la discipline et à la bienséance de la part de leur troupeau si bien dressé. Mais un pas rapide se fit entendre au-dehors et la porte s’ouvrit brusquement devant un moine au visage livide qui se précipita dans la pièce.

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– Père abbé ! s’écria-t-il. Hélas ! Hélas ! Frère John est mort et le saint sous-prieur est mort ! Le diable est lâché dans le champ de cinq virgates.

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Chapitre 3 LE CHEVAL JAUNE DE CROOKSBURY

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En ces temps si simples, un miracle et un mystère étaient choses naturelles. L’homme s’avançait dans la crainte et la solennité, avec le ciel au-dessus de la tête et l’enfer sous les pieds. On voyait la main de Dieu partout : dans l’arc-en-ciel et la comète, dans le tonnerre et le vent. Et le diable, lui aussi, ravageait ouvertement le monde : il se dissimulait derrière les haies dans l’obscurité ; il riait aux éclats durant la nuit ; il saisissait dans ses serres le pécheur mourant, fondait sur l’enfant non baptisé et tordait les membres de l’épileptique. Un démon perfide cheminait à côté de chaque homme, lui soufflant des infamies à l’oreille, tandis qu’au-dessus de lui voletait un ange lui montrant le chemin étroit et ardu. Comment aurait-on pu ne pas croire ces contes, alors que le pape et les prêtres, les savants et le roi y croyaient, alors que, sur la terre entière, pas une seule voix ne s’élevait pour les mettre en doute ?

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Chaque livre qu’on lisait, chaque gravure qu’on voyait, chaque conte dit par la nourrice ou la maman, tout enseignait la même leçon. Et lorsqu’un homme courait de par le monde, sa foi ne faisait que s’affermir car, où qu’il se rendît, il ne rencontrait que des chapelles élevées à des saints, chacune d’elles contenant des reliques entourées d’une tradition d’incessants miracles. À chaque tournant de la route, il se rendait mieux compte de la minceur du voile qui le séparait des horribles habitants du monde invisible.

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Ainsi donc, l’annonce brusque du moine timoré parut plus terrible qu’incroyable à ceux à qui elle s’adressait. La face rubiconde de l’abbé pâlit un moment, il est vrai, mais il saisit le crucifix sur sa table et se leva brusquement.

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– Conduisez-moi à lui ! ordonna-t-il. Montrez-moi l’immonde créature qui ose porter la main sur les frères de la vénérable maison de saint Bernard ! Courez auprès du chapelain, mon Frère ! Priez-le d’apporter l’exorciste et la châsse avec les reliques… ainsi que les ossements de saint Jacques qui se trouvent sous l’autel. En ajoutant à cela un cœur humble et contrit, nous pourrons faire face à toutes les puissances des ténèbres.

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Mais le procureur avait l’esprit plus critique. Il saisit le bras du moine avec une telle force que l’autre devait en garder cinq taches violacées pendant plusieurs jours.

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– Est-ce une façon de pénétrer ainsi dans la chambre de l’abbé sans frapper, sans une révérence, sans même un Pax vobiscum ? Vous aviez coutume d’être notre novice le plus doux, d’un maintien humble au chapitre, dévot aux offices et d’une stricte tenue dans le cloître. Allons, reprenez vos esprits et répondez-moi ! Sous quelle forme le perfide démon est-il apparu et comment a-t-il causé ce dommage à nos frères ? L’avez-vous vu de vos propres yeux ou bien le savez-vous par ouï-dire ? Allons, parlez ou je vous fais comparaître sur l’heure au banc de pénitence devant le chapitre.

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Ainsi sommé, le moine épouvanté se calma quelque peu, mais ses lèvres exsangues, ses yeux écarquillés et son souffle haletant trahissaient son trouble.

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– S’il vous plaît, Révérend Père, et vous, Révérend Frère procureur, voici comment cela s’est passé : James, le sous-prieur, frère John et moi étions dehors depuis sexte à Hankley, coupant des fougères pour l’étable. Nous nous en revenions par le champ de cinq virgates et le sous-prieur nous contait une édifiante histoire de la vie de saint Grégoire, lorsque nous entendîmes soudain un bruit semblable à celui d’un torrent. Le démon bondit au-dessus du haut mur qui entoure la noue et se précipita sur nous avec la vitesse du vent. Il jeta le frère lai au sol et l’enfonça dans la fondrière. Puis, saisissant entre ses dents le bon sous-prieur, il fit le tour du champ en le secouant comme un paquet de vieux linge.

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» Étonné devant un tel prodige, je restai paralysé et j’avais déjà récité un Credo et trois Avé quand le diable lâcha le sous-prieur et bondit sur moi. Avec l’aide de saint Bernard, j’escaladai le mur, mais non point avant que ses dents eussent pu me saisir la jambe et déchirer tout le bas de ma soutane.

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Tout en parlant, il se tournait, prouvant ses dires en exhibant les lambeaux de son vêtement.

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– Mais sous quelle forme Satan vous est-il apparu ? demanda l’abbé.

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– Comme un grand cheval jaune, Révérend Père… un cheval monstrueux, avec des yeux de feu et des dents de griffon.

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– Un cheval jaune ?

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Le procureur regarda le moine terrifié.

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– Mais, mon Frère, seriez-vous fou ? Comment donc vous comporterez-vous lorsqu’il vous faudra faire face au prince des ténèbres en personne, si vous vous laissez ainsi impressionner par la vue d’un cheval jaune ? C’est le cheval de Franklin Aylward, mon Révérend Père, que nous avons fait saisir parce que son maître devait à l’abbaye cinquante shillings qu’il ne pouvait payer. On prétend qu’on ne pourrait trouver pareil cheval d’ici jusqu’aux écuries du roi à Windsor, car son père était un destrier espagnol et sa mère une jument arabe de la race même que Saladin conservait sous sa propre tente pour son usage personnel, à ce qu’on raconte. Je l’ai saisi en payement de la dette et j’ai donné ordre aux varlets qui l’ont pris de le laisser dans la noue car j’avais entendu dire que l’animal avait mauvais caractère et avait déjà tué plus d’une personne.

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– Ce fut un mauvais jour pour Waverley que celui où vous avez amené pareille bête dans son enceinte, fit l’abbé. Si le sous-prieur et frère John sont morts, il nous faudra reconnaître que ce cheval, faute d’être le diable en personne, est au moins son instrument.

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– Cheval ou diable, Révérend Père, je l’ai entendu hennir de joie en piétinant le frère John, et si vous l’aviez vu secouer le sous-prieur comme un chien le fait d’un rat, vous éprouveriez peut-être ce que je ressens.

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– Venez ! s’écria l’abbé. Allons voir par nous-mêmes le mal qui a été commis.

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Et les trois religieux descendirent vivement l’escalier qui menait aux cloîtres.

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Ils ne furent pas plutôt arrivés en bas que leurs craintes furent apaisées, car les deux victimes de la mésaventure, crottées et maculées de boue, parurent, entourées d’un groupe de frères compatissants. Cependant des cris et des exclamations provenant du dehors prouvaient qu’un autre drame se déroulait. L’abbé et le procureur se hâtèrent dans cette direction aussi vite que le leur permettait la dignité de leur office, jusqu’à ce qu’ils eussent franchi les portes et atteint le mur de la noue. En regardant par-dessus, ils y virent un spectacle extraordinaire.

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Dans une herbe luxuriante qui lui montait jusqu’aux boulets se tenait un magnifique cheval, tel que désireraient en voir un sculpteur ou un soldat. Il avait le pelage noisette clair avec la crinière et la queue d’une teinte un peu plus fauve. Haut de dix-sept paumes avec un corps et une croupe trahissant une grande force, il avait la nuque, l’encolure et les épaules d’une finesse qui dénotait une bonne lignée. C’était merveilleux de voir comme il se tenait là, le corps portant sur les pattes de derrière écartées et prêtes à se détendre, la tête haute, les oreilles pointées, la crinière hérissée, les naseaux rouges palpitant de colère, et les yeux flamboyants qui tournaient en tous sens avec un air de hautaine menace et de défiance.

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Formant cercle à une distance respectueuse, six frères lais et des forestiers, tenant chacun une longe, s’avançaient vers lui en rampant. Mais à tout moment, dans un magnifique mouvement de sa tête et un bond de côté, le grand animal faisait face à l’un de ses assaillants et, le cou tendu, la crinière au vent, la queue raide, fonçait vers l’homme, qui détalait en hurlant pour chercher refuge sur le mur tandis que les autres, refermant vivement leur cercle derrière la bête, lançaient leur corde dans l’espoir de le prendre au cou ou par les pattes, sans obtenir d’autre résultat que de se faire pourchasser à leur tour jusqu’à l’abri le plus proche.

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Si deux hommes avaient pu atteindre en même temps l’animal puis enrouler leur corde autour d’un tronc d’arbre ou d’un rocher, alors le cerveau humain aurait pu se vanter d’avoir remporté une victoire sur la rapidité et la force animales. Mais ils se trompaient lourdement, les esprits qui s’imaginaient que ces cordes pouvaient servir à autre chose qu’à mettre en danger celui qui les maniait !

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Et c’est ainsi que ce qu’on pouvait prévoir se produisit au moment même où les moines arrivaient. Le cheval, ayant pourchassé l’un de ses assaillants jusqu’au mur, resta si longtemps à souffler son mépris que les autres eurent le temps de se rapprocher de lui par-derrière. Plusieurs longes furent lancées ; l’un des nœuds coulants tomba sur la fière tête et se perdit dans la crinière flottante. Aussitôt, l’animal se retourna et les hommes s’enfuirent pour sauver leur vie. Mais celui dont la longe avait atteint la bête s’attarda un moment à se demander s’il devait forcer son succès. Cet instant d’hésitation lui fut fatal. En poussant un cri de désespoir, l’homme vit la bête se dresser au-dessus de lui. Puis les pattes de devant s’abattirent et projetèrent l’homme au sol dans un effroyable craquement. Il se releva en hurlant mais fut de nouveau renversé et resta là, tremblant, ensanglanté, cependant que le cheval sauvage – de toutes les créatures de la terre celle dont la colère était la plus cruelle et la plus redoutable – mordait et piétinait le corps recroquevillé.

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Un frémissement de terreur parcourut la ligne de têtes tonsurées qui garnissaient le haut mur, frémissement qui s’éteignit aussitôt dans un long silence, rompu enfin par des cris de joie et de reconnaissance.

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Un jeune homme était passé à cheval sur la route menant au vieux manoir sur le versant de la colline. Sa monture était une haridelle malingre et au pas traînant. De plus, une tunique souillée et d’un pourpre délavé, une ceinture de cuir décoloré donnaient au cavalier plutôt piteuse mine. Cependant, dans la stature de l’homme, dans le port de sa tête, dans son allure aisée et gracieuse, dans le fin regard de ses grands yeux bleus, on percevait ce sceau de distinction et de race qui, dans toute assemblée, lui aurait accordé la place qui lui revenait. Quoique plutôt petit, il avait la silhouette singulièrement légère et élégante. Son visage, bien que tanné par le temps, avait les traits fins et une expression vive et décidée. Une épaisse frange de boucles blondes s’échappait de dessous son bonnet plat et sombre, une courte barbe dorée dissimulait le contour d’un menton qu’il avait fort et carré. Une plume d’orfraie blanche, fixée par une broche d’or sur le devant de sa toque, agrémentait de son charme ce sombre ornement. Ce détail et d’autres encore dans son costume – la courte cape, le couteau de chasse dans sa gaine de cuir, le cor de bronze pendu en bandoulière, les douces poulaines en peau de daim et les éperons – se révélaient à l’œil de l’observateur. Au premier regard, on ne remarquait que le visage tanné encadré d’or et la lueur dansante de ses yeux vifs et rieurs.

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Tel était le cavalier qui, faisant joyeusement claquer sa cravache et suivi d’une dizaine de chiens, s’avançait au petit galop sur son poney le long de Tilford Lane. Avec un méprisant sourire amusé, il observa la scène qui se déroulait dans le champ et les efforts désespérés des servants de Waverley.

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Mais soudain, lorsque la comédie tourna à la tragédie, ce spectateur se sentit pris d’une vive ardeur. D’un bond, il sauta à bas de sa monture, escalada le mur de pierre et traversa le champ en courant. Se détournant de sa victime, le grand cheval jaune vit s’approcher ce nouvel ennemi et, repoussant des pattes le corps prostré, il fonça vers le nouvel arrivant.

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Cette fois, il n’y eut pas de fuite, pas de poursuite jusqu’au mur. Le petit homme se redressa, fit voler sa cravache à poignée métallique et accueillit le cheval d’un violent coup sur la tête, ce qu’il répéta à chaque attaque. Ce fut en vain que l’animal se cabra et essaya de renverser son ennemi, de l’épaule et des pattes tendues. Calme, vif et agile, l’homme bondissait de côté, échappant à l’ombre même de la mort. Et à chaque fois on entendait de nouveau le sifflement et le choc de la lourde poignée.

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Le cheval recula, considérant cet homme puissant avec étonnement et colère. Puis il se mit à tourner autour de lui, la crinière au vent, la queue fouettant les oreilles basses, renâclant de rage et de douleur. L’homme, consentant à peine un regard à son féroce adversaire, s’approcha du forestier blessé, le souleva dans ses bras avec une force qu’on n’aurait pas soupçonnée dans un corps aussi petit et le transporta, gémissant, vers le mur où une douzaine de mains se dressèrent pour l’aider. Puis, tout à l’aise, le jeune homme escalada le mur en lançant un sourire de glacial mépris au cheval jaune qui s’était de nouveau élancé derrière lui.

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Lorsqu’il descendit de la muraille, une douzaine de moines l’entourèrent pour le remercier et le congratuler. Mais il leur aurait opposé un air renfrogné et serait reparti, sans l’abbé John qui l’avait retenu en personne :

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– Ne partez point, messire Loring. Si même vous n’êtes point un ami de notre abbaye, il nous faut reconnaître que vous vous êtes conduit aujourd’hui en parfait chrétien car, s’il reste un souffle de vie dans le corps de notre malheureux serviteur, c’est à vous, après notre bon patron, saint Bernard, que nous le devons.

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– Par saint Paul ! je ne vous dois aucune bienveillance, Abbé John, répondit le jeune homme. L’ombre de votre abbaye s’est toujours dressée devant la maison des Loring. Et je ne demande aucun remerciement pour la petite action que j’ai accomplie aujourd’hui. Je ne l’ai faite ni pour vous ni pour votre maison, mais uniquement parce que tel était mon bon plaisir.

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L’abbé rougit de colère et se mordit les lèvres devant ces paroles hautaines. Ce fut le procureur qui répondit :

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– Il serait plus décent de parler au révérend père abbé d’une manière qui convînt mieux à son rang et au respect dû à un prince de l’Église.

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Le jeune homme tourna ses fiers yeux bleus vers le moine et son visage tanné se rembrunit de colère.

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– N’était-ce pour vos cheveux blancs et l’habit que vous portez, je vous répondrais d’une autre façon encore ! Vous êtes le loup affamé qui pleure sans cesse devant notre porte, avide de nous enlever le peu qui nous reste. Dites et faites de moi ce que bon vous semblera, mais, par saint Paul ! si jamais je découvre que Dame Ermyntrude a eu à souffrir de votre meute de détrousseurs, je les chasserai à coups de fouet de la petite parcelle de terre qui me reste de toutes les acres que possédaient mes aïeux.

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– Prenez garde, Nigel Loring, prenez garde ! s’écria l’abbé, le doigt levé. N’avez-vous donc point de crainte de la loi anglaise ?

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– Je crains et respecte une loi juste.

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– N’avez-vous point le respect de la sainte Église ?

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– Je respecte en elle tout ce qui y est saint. Mais je ne respecte point ceux qui détroussent les pauvres ou volent la terre de leurs voisins.

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– Jeune audacieux, nombreux sont ceux qui ont été flétris et mis au ban de l’Église pour bien moins que ce que vous venez de dire ! Mais il ne nous convient point de vous juger sévèrement aujourd’hui. Vous êtes jeune, et les paroles inconsidérées vous viennent facilement aux lèvres. Comment se porte le forestier ?

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– Ses blessures sont graves, Révérend Père, mais il vivra, fit un frère en levant la tête par-dessus la forme étendue. Avec une saignée et un électuaire, je garantis qu’il sera sur pied en moins d’un mois.

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– Alors, conduisez-le à l’hôpital. Et maintenant, mon Frère, qu’allons-nous faire de cet animal sauvage qui nous regarde par-dessus le mur en renâclant comme si ses conceptions sur la sainte Église étaient aussi grossières que celles de Sir Nigel ?

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– Voici Franklin Aylward, répondit l’un des frères. Le cheval est sien et il va sans doute le ramener à sa ferme.

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Mais le grand paysan rougeaud secoua la tête.

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– Que non, sur ma foi ! L’animal m’a donné la chasse par deux fois dans la prairie et il a mis mon fils Samkin à l’article de la mort. Il n’est pas une personne chez moi qui oserait entrer dans son écurie. Je maudis le jour où j’ai pris cet animal dans l’écurie du château de Guildford où l’on n’en pouvait rien faire, ni trouver un cavalier assez audacieux pour le monter. Quand le frère procureur l’a accepté en payement d’une dette de cinquante shillings, il a conclu un marché. Qu’il s’y tienne donc maintenant ! Cet animal ne reparaîtra plus à la ferme de Crooksbury.

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– Pas plus qu’il ne restera ici, fit l’abbé. Frère procureur, vous avez amené le démon chez nous, à vous de nous en faire quittes.

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– Ce que je vais faire sur-le-champ. Le frère trésorier pourra retenir les cinquante shillings sur mon aumône hebdomadaire et ainsi l’abbaye n’y perdra rien. En attendant, voici Wat avec son arbalète et un carreau à la ceinture. Qu’il en touche cette maudite créature à la tête, car sa peau et ses sabots ont plus de valeur qu’elle-même.

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Un rude gaillard basané qui chassait la vermine dans les jardins de l’abbaye s’avança avec un ricanement de satisfaction. Après avoir passé sa vie à courir l’hermine et le renard, il allait enfin voir un gros gibier s’effondrer devant lui. Ajustant une flèche sur son arc, il l’amena à l’épaule et visa la tête fière et échevelée qui dansait sauvagement de l’autre côté du mur. Son doigt était replié sur la corde, lorsqu’un violent coup de fouet lui fit sauter l’arc des mains. Sa flèche tomba à ses pieds et il recula devant le regard féroce de Nigel Loring.

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– Gardez vos flèches pour vos belettes ! Oseriez-vous donc tuer une bête dont la seule faute est d’avoir trop d’énergie et de n’avoir point encore rencontré quelqu’un qui ait le courage de s’en rendre maître ? Vous abattriez un cheval qu’un roi serait fier de monter, et cela parce qu’un paysan ou un moine ou un valet de moine n’a ni l’intelligence ni la main qu’il faut pour le dompter !

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Le procureur se retourna vivement vers le squire :

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– L’abbé vous doit un remerciement pour ce que vous avez fait ce jour, quelque dures qu’aient été vos paroles. Si vous pensez tant de bien de cet animal, peut-être aimeriez-vous le posséder. S’il me faut payer pour lui, avec la permission du père abbé, je vous en fais cadeau pour rien.

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L’abbé tira son subordonné par la manche.

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– Réfléchissez, mon Frère, lui souffla-t-il. Le sang de cet homme ne va-t-il point retomber sur nos têtes ?

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– Son orgueil est aussi grand que celui du cheval, Révérend Père, répondit le procureur dont le visage s’illumina d’un sourire malicieux. Homme ou bête, l’un brisera l’autre, et ce n’en sera que mieux pour tout le monde. Mais si vous me l’interdisez…

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– Non, mon Frère, vous avez amené le cheval ici, vous pouvez donc en disposer…

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– Je le donne à Nigel Loring. Et puisse-t-il être aussi bon et doux pour lui qu’il le fut pour l’abbé de Waverley !

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Le procureur avait parlé à haute voix au milieu du babillage des moines car celui dont il était question ne se trouvait plus à portée. Aux premiers mots qui avaient décidé de la question, il avait couru vers l’endroit où il avait laissé son poney auquel il avait enlevé le mors et la forte bride. Puis, laissant la bête brouter à l’aise sur le bas-côté du chemin, il retourna vivement d’où il était venu.

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– J’accepte votre présent, messire moine, dit-il, bien que je sache le motif qui vous anime. Je vous en remercie cependant, car il est sur terre deux choses que j’ai toujours vivement désirées et que ma bourse n’a jamais pu me permettre de m’offrir. L’une des deux est un fier destrier, un cheval tel qu’en devrait monter le fils de mon père. Et voici entre tous celui que j’aurais choisi, puisqu’il faut accomplir de belles actions pour le gagner et que l’on peut obtenir, grâce à lui, un honorable avancement… Comment se nomme-t-il ?

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– Son nom, répondit le procureur, est Pommers. Mais je vous préviens, jeune seigneur, que personne ne peut le monter et que, de tous ceux qui ont essayé, les plus heureux ne s’en sont point tirés sans avoir au moins une côte cassée.

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– Je vous sais gré du conseil, fit Nigel, et maintenant, je me rends d’autant mieux compte qu’il me faudrait voyager loin pour trouver pareille bête… Je suis ton homme, Pommers, et toi, tu es mon cheval. Du moins, tu le seras cette nuit, ou je n’aurai plus jamais besoin d’une monture. Ce sera donc ma volonté contre la tienne. Et que Dieu te vienne en aide, Pommers. L’aventure n’en sera que plus passionnante et je n’y gagnerai que plus d’honneur.

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Tout en parlant, le jeune seigneur avait escaladé le mur et se balançait sur le faîte : bride dans une main, cravache dans l’autre, il était à la fois la grâce, la volonté, la vaillance incarnées. En renâclant de fierté, Pommers s’avança aussitôt vers lui et ses dents blanches scintillèrent lorsqu’il releva les lèvres pour mordre mais, une fois de plus, un coup sec appliqué de la poignée de la cravache le fit reculer. Au même moment, mesurant calmement de l’œil la distance, ployant son corps délié pour prendre son élan, Nigel bondit et retomba à califourchon sur le dos du grand cheval jaune. N’ayant ni selle ni étrier pour l’aider, Nigel dut batailler un moment pour se maintenir sur le dos de l’animal qui tournoyait et ruait sous lui. Mais ses jambes étaient deux vraies bandes d’acier, qui s’incurvaient fermement le long des flancs, cependant que de la main gauche il étreignait vigoureusement la crinière fauve.

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Le cours monotone de la vie monacale à Waverley n’avait jamais été troublé par semblable scène. Sautant à droite, se rabattant brusquement sur la gauche, la tête tantôt entre les pattes antérieures, tantôt brandie à huit pieds au-dessus du sol, les naseaux rouges et fumants, les yeux exorbités, le cheval jaune était tout ensemble une vision de rêve et de cauchemar. Mais son souple cavalier sur son dos, pliant à chaque secousse comme le roseau sous le vent, ferme sur ses bases et flexible du haut, le visage impassible, les yeux luisants d’excitation et de joie, se maintenait irrésistiblement en place malgré tout ce que pouvaient lui opposer le cœur décidé et les muscles puissants du grand animal. Une fois cependant un cri d’effroi s’éleva de la foule des spectateurs : l’animal cabré s’enlevait davantage encore, quand un dernier effort désespéré le fit basculer en arrière par-dessus son cavalier.

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Mais toujours aussi agile, ce dernier s’était déjà retiré avant même la chute du monstre, qu’il accompagna du pied lorsqu’il roula sur le sol. Puis, saisissant la crinière au moment où la bête se relevait, il sauta légèrement et se retrouva sur son dos. Le sombre procureur lui-même ne put s’empêcher de mêler ses acclamations à celles des autres, quand Pommers, étonné de sentir encore le cavalier sur lui, se mit à parcourir au galop le champ en tous sens.

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Hélas, le cheval sauvage devint fou furieux. Dans un sombre recoin de son âme indomptée naquit la rageuse détermination de se débarrasser de ce cavalier qui se cramponnait, dût-elle avoir pour conséquence la destruction de l’homme et de la bête. Les yeux injectés, il regarda autour de lui, cherchant la mort. Le grand champ était borné de trois côtés par un haut mur percé seulement en un endroit par une lourde porte de bois de quatre pieds de haut, mais sur le quatrième côté un bâtiment gris et bas, une des granges de l’abbaye, présentait un long flanc que ne trouaient ni portes ni fenêtres. Le cheval se lança, au galop, la tête la première vers ce mur de trente pieds. Peu importait qu’il se rompît les os à la base des pierres, s’il pouvait au moins en même temps arracher la vie de cet homme, qui prétendait dompter celui que personne n’avait encore maîtrisé. Les puissantes hanches se rassemblèrent sous lui, les sabots martelèrent l’herbe à un rythme qui s’accélérait à mesure que monture et cavalier se rapprochaient du mur. Nigel allait-il sauter, au risque d’abdiquer sa volonté devant celle de l’animal ? Toujours calme et vif, mais décidé, l’homme fourra la longe et la cravache dans sa main gauche qui n’avait pas lâché prise et tenait fermement la crinière, cependant que, de la droite, il détachait le court mantelet qui lui couvrait les épaules ; puis, se couchant sur le dos de la bête, il lui jeta le vêtement sur les yeux. Il s’en fallut de peu que le plan n’échouât et que le cavalier ne fût démonté : à peine eut-il les yeux plongés dans l’obscurité que l’animal surpris se cabra sur ses pattes antérieures et s’arrêta si brusquement que Nigel fut projeté sur son encolure ; il ne dut son salut qu’à sa ferme prise sur la crinière. Avant même qu’il eût pu glisser en arrière, le danger était passé car le cheval, l’esprit embrumé par ce qui venait de lui arriver, se mit de nouveau à tourner en rond, tremblant de tous ses membres, rejetant la tête jusqu’à ce que le manteau glissât de ses yeux et que l’ombre terrifiante eût fait place à l’habituel cadre de verdure ensoleillée.

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Mais quel était ce nouvel outrage qu’on lui infligeait ? Qu’était cette longue barre de fer pressée contre sa bouche ? Et cette lanière qui lui écorchait la nuque, cette autre qui lui passait devant les sourcils ? Durant les quelques instants de calme qui avaient précédé la chute du mantelet, Nigel s’était penché, avait glissé le mors entre les dents et l’avait fermement assujetti.

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Une rage aveugle et frénétique s’éleva de nouveau dans le cœur de l’animal devant cette nouvelle humiliation, devant cet insigne de servitude et d’infamie. Il se fit menaçant. Il détestait l’endroit, les gens et tous ceux qui attentaient à sa liberté. Il allait en finir avec eux. Il ne les reverrait jamais plus. Qu’on le laissât aller dans le coin le plus reculé de la terre vers les grandes plaines de la liberté, n’importe où, pourvu qu’il pût échapper au fer qui le défiait et à l’insupportable maîtrise de cet homme !

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Il virevolta brusquement et le bond qu’il exécuta avec la grâce d’un daim l’amena devant la porte. Le bonnet de Nigel était tombé et ses longs cheveux blonds flottaient derrière lui au rythme de la course. L’homme et sa monture se retrouvèrent dans la noue où, devant eux, scintillait un petit cours d’eau d’une vingtaine de pieds de largeur qui coulait vers le courant plus important du Wey. Le cheval jaune se ramassa et le franchit comme une flèche. Il avait bondi de derrière un rocher et atterri dans un bouquet d’ajoncs poussant sur l’autre rive – deux pierres marquent toujours l’écart du saut et elles sont bien distantes de onze pas. Il passa sous les branches étendues du grand chêne (ce Quercus Tilfordiensis qui signale encore aujourd’hui la limite extérieure de l’abbaye), espérant bien balayer son cavalier ; mais Nigel était plié sur son dos, le visage enfoui dans la crinière flottante. Les branches rêches l’égratignèrent rudement, sans ébranler le moindrement ni son esprit ni son emprise. Se cabrant, s’éparant, s’ébrouant, Pommers s’élança à travers la plantation de jeunes arbres et disparut sur le large chemin de Hankley Down.

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Les paysans parlent encore dans les contes au coin du feu de cette chevauchée qui forme le fond de cette vieille ballade du Surrey, maintenant oubliée, sauf le refrain :

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Il n’est rien sur cette terre de plus vif

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Que la crécelle passant en cyclone,

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Que le daim léger et craintif,

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Ni que Nigel sur son cheval jaune.

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Par-devant, jusqu’à hauteur des genoux, roulait un océan de bruyère noire, ondoyant en larges vagues jusqu’à une colline dénudée. Au-dessus s’étendait l’immense voûte du ciel, d’un bleu que rien ne troublait, avec un soleil qui dardait ses rayons sur les hauteurs du Hampshire. Et Pommers courut à travers les hautes bruyères, descendant les ravins, bondissant par-dessus les cours d’eau, remontant les pentes. Son cœur trépignait de rage, et chaque fibre de son corps frémissait devant les indignités qui lui étaient infligées.

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Mais l’homme resta accroché aux flancs palpitants et à la crinière flottante, silencieux, immobile, inexorable, laissant l’animal aller à son gré, mais fixé sur lui comme le destin sur son but. Et le cheval poursuivit son chemin, escaladant Hankley Down, traversant Thursley Marsh, dans les roseaux qui s’élevaient à hauteur de son garrot maculé de boue, s’avançant au long de la pente vers Headland of the Hinds, redescendant par Nutcombe Gorge, glissant, trébuchant, bondissant, sans jamais ralentir son allure endiablée. Les villageois de Shottermill entendirent les battements sauvages de ses sabots mais, avant même qu’ils eussent pu écarter le rideau en peau de bœuf devant la porte de leurs masures, monture et cavalier étaient déjà perdus dans Haslemere Valley. Et toujours il continuait, accumulant les lieues. Il n’était pas une terre marécageuse qui pût entraver sa marche, ni une colline qui pût le retenir. Il avalait, comme s’il s’était agi de terrain plat, les côtes de Linchmere et de Fernhurst. Ce ne fut que lorsqu’il eut redescendu la pente de Henley Hill et que la grande tour grise du château de Midhurst surgit au détour d’un hallier que le long cou tendu retomba quelque peu sur la poitrine et que le souffle se fit plus rapide. Quel que fût le côté vers lequel regardait l’animal, dans les bois ou les downs, ses yeux perçants ne pouvaient déceler nulle part le moindre signe de ces plaines de liberté auxquelles il rêvait.

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Un nouvel outrage encore ! Non seulement cette créature se cramponnait sur son dos, mais elle allait même jusqu’à vouloir le contrôler et lui faire prendre le chemin qui lui convenait. Il sentit de nouveau un petit coup sec à la bouche et sa tête, malgré lui, fut tournée vers le nord. Autant aller par ce chemin que par un autre, mais l’homme était bien sot s’il croyait qu’un cheval comme lui était à bout de courage et de forces. Il lui prouverait qu’il n’était pas vaincu, même s’il devait lui en coûter de se déchirer les muscles. Il reprit donc, en sens inverse et toujours galopant, la longue montée. Arriverait-il jusqu’au bout ? Il ne voulait pas admettre qu’il ne pourrait aller plus loin, tant que l’homme maintiendrait sa forte poigne. Il était blanc d’écume et maculé de boue. Il avait les yeux ensanglantés, la bouche ouverte, les naseaux distendus, la robe fumante. Il redescendit Sunday Hill puis atteignit le marais de Kingsley. Non, c’en était trop ! La chair et le sang n’en pouvaient plus. Comme il luttait pour sortir du terrain boueux, la lourde glèbe noire lui collant aux fanons, il ralentit de lui-même son allure et ramena le galop tumultueux à un canter plus seyant.

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Oh, suprême infamie ! N’y aurait-il donc point de limite à tant de dégradations ? Il n’avait même plus le droit de choisir le pas qui lui convenait. Et alors qu’il avait galopé aussi loin quand il l’avait voulu, il lui fallait maintenant continuer de galoper parce que telle était la volonté d’un autre. Un éperon lui déchira les flancs. La lanière coupante d’un fouet lui tomba en travers des épaules. Devant la douleur et la honte qu’il en ressentit, il bondit de toute sa hauteur. Oubliant alors ses membres fatigués, son essoufflement, ses flancs fumeux, oubliant tout sauf l’intolérable insulte, il se lança de nouveau dans un galop effréné. Il se retrouva bientôt en dehors des collines de bruyère, se dirigeant vers Weydown Common. Et il galopait toujours. Mais derechef le courage lui fit défaut, ses membres se mirent à trembler sous lui, de nouveau il ralentit le pas avec, pour seul résultat, de se faire éperonner et cravacher. Il était aveuglé et étourdi de fatigue.

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Il ne voyait plus où il mettait ses pattes ; peu lui importait ; il n’avait plus qu’un désir fou : échapper à cette chose affreuse, cette torture qui se cramponnait à lui et ne voulait plus le laisser aller. Il traversa le village de Thursley avec l’œil qui trahissait l’agonie et le cœur qui battait à tout rompre. Il s’était frayé un chemin jusqu’à la crête de Thursley Down, toujours poussé de l’avant par les coups d’éperon et de cravache, lorsque son courage faiblit, que ses forces l’abandonnèrent et que, dans un dernier hoquet, il s’effondra dans la bruyère. La chute fut si soudaine que Nigel fut projeté en avant sur le sol. L’homme et la bête restèrent étendus, haletants, jusqu’à ce que le dernier rayon du soleil eût disparu derrière Butser et que les premières étoiles eussent commencé de scintiller au firmament violacé.

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Le jeune seigneur fut le premier à reprendre ses sens ; s’agenouillant à côté du cheval pantelant, il lui passa gentiment la main dans la crinière et sur la tête tachée d’écume. L’œil rouge se tourna vers lui mais, chose étonnante, sans que l’homme y pût déceler la moindre trace de haine ou de menace. Et comme il caressait le museau fumant, le cheval geignit doucement et lui fourra le nez dans le creux de la main. C’en était assez !

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– Tu es mon cheval, Pommers, murmura Nigel en posant la joue contre la tête allongée. Je te connais, Pommers, tu me connais aussi et, avec l’aide de saint Paul, nous apprendrons tous deux à certaines personnes à nous connaître. Et maintenant, allons jusqu’à cette mare car je ne sais lequel de nous deux a le plus besoin d’eau.

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Et ce fut ainsi que quelques moines de Waverley, retour des fermes et rentrant tard à l’abbaye, eurent une étonnante vision qu’ils emportèrent et qui atteignit cette même nuit les oreilles du procureur et de l’abbé. Lorsqu’ils traversèrent Tilford, ils virent un cheval et un homme, marchant côte à côte, tête contre tête, sur l’avenue menant au manoir. Et, quand ils levèrent leurs lanternes, ils reconnurent le jeune seigneur menant, tout comme un berger le fait de paisibles moutons, le terrible cheval jaune de Crooksbury.

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Chapitre 4 COMMENT LE PORTE-CONTRAINTE S’EN VINT AU MANOIR DE TILFORD

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À l’époque où se déroulaient ces faits, l’ascétique sévérité des vieux manoirs normands avait été humanisée, raffinée au point que les nouvelles demeures des nobles, si elles étaient moins imposantes d’apparence, étaient plus confortables à habiter. Une race galante bâtissait ses maisons plus pour la paix que pour la guerre. Celui qui compare la sauvage nudité de Pevensey ou de Guildford à la grandeur de Bodwin ou de Windsor, celui-là comprend le changement survenu dans la façon de vivre.

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Les premiers châteaux avaient été construits à seul effet de permettre de tenir bon face aux envahisseurs qui pouvaient submerger le pays. Mais lorsque la conquête avait été fermement établie, un château fort avait perdu toute utilité, sauf comme refuge contre la justice ou comme centre d’insurrection civile. Dans les marches du pays de Galles et d’Écosse, où les châteaux pouvaient encore se prétendre les remparts du royaume, ils continuaient d’être florissants. Mais partout ailleurs, ils étaient considérés comme une menace à la majesté du roi ; aussi détruisait-on ceux qui existaient et empêchait-on d’en construire de nouveaux. Lors du règne du troisième Édouard, la plus grande partie des châteaux forts avaient été convertis en demeures habitables ou étaient tombés en ruine au cours des guerres civiles, là où leurs amas de pierres grisâtres sont encore éparpillés sur nos collines. Les nouvelles demeures étaient soit des maisons de campagne, au mieux capables de se défendre mais avant tout résidentielles, soit des manoirs sans aucune signification militaire.

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Tel était celui de Tilford, où les derniers survivants de la vieille et grande maison des Loring luttaient avec ardeur pour conserver un certain rang et empêcher les moines et les gens de loi de leur arracher les quelques acres de terre qui leur restaient. Le bâtiment avait un étage, avec de lourds encadrements de bois dont les intervalles étaient remplis de grosses pierres noires. Un escalier extérieur menait à quelques chambres du haut. Le rez-de-chaussée ne comportait que deux pièces dont la plus petite servait de boudoir à la vieille Lady Ermyntrude. L’autre formait la grande salle qui faisait office de pièce commune pour la famille et de salle à manger pour les maîtres et leur petit groupe de serviteurs. Les chambres des domestiques, les cuisines, l’office et les étables se trouvaient dans une rangée d’appentis derrière le bâtiment principal. C’était là que vivaient Charles le page, Peter le vieux fauconnier, Red Swire qui avait suivi le grand-père de Nigel dans les guerres d’Écosse, Weathercote le ménestrel déchu, John le cuisinier et d’autres survivants des jours prospères qui s’accrochaient à la vieille maison comme des bernacles aux débris d’un bateau échoué.

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Un soir, une semaine environ après l’aventure du cheval jaune, Nigel et sa grand-mère étaient assis de part et d’autre d’un âtre vide dans la grande salle. On avait desservi le dîner et ôté les tables à tréteaux du repas, si bien que la pièce paraissait vide et nue. Le sol de pierre était couvert d’une épaisse natte de joncs verts qui était enlevée chaque samedi, emportant avec elle la saleté et tous les débris de la semaine. Deux chiens étaient étendus parmi les joncs, rongeant et croquant les os qui leur avaient été jetés de la table. Un long buffet de bois chargé de plats et d’assiettes remplissait un des bouts de la pièce, mais il n’y avait pas d’autres meubles, si ce n’étaient quelques bancs contre les murs, deux bergères, une petite table jonchée de pièces d’un jeu d’échecs et un grand coffre de fer. Dans un coin se dressait un pied de vannerie sur lequel étaient perchés deux majestueux faucons, silencieux et immobiles, clignant seulement de temps à autre leurs yeux jaunes.

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L’actuel aménagement de la pièce aurait pu paraître misérable à quiconque avait connu une époque de plus grand luxe ; néanmoins le visiteur aurait été surpris, en levant les yeux, de voir la multitude des objets accrochés aux murs, au-dessus de sa tête. Surmontant l’âtre, se trouvaient les armes d’un certain nombre de branches collatérales ou d’alliés par mariage aux Loring. Les deux torches qui flamboyaient de chaque côté éclairaient le lion d’azur des Percy, les oiseaux de gueules des Valence, la croix engrêlée de sable des Mohun, l’étoile d’argent des Vere et les barres de pourpre des Fitz-Alan, le tout groupé autour des fameuses roses de gueules sur champ d’argent que les Loring avaient menées à la gloire dans plus d’un combat sanglant. Ensuite, la pièce était surmontée de grosses solives de chêne qui allaient d’un mur à l’autre et auxquelles de nombreux objets étaient suspendus. Il y avait des cottes de mailles d’un modèle désuet, des boucliers dont un ou deux étaient rouillés, des heaumes défoncés, des arcs, des lances, des épieux, des harnais et autres armes de guerre ou de chasse. Plus haut encore dans l’ombre noire, on pouvait voir des rangées de jambons, des flèches de lard, des oies salées et autres morceaux de viande conservée qui jouaient un grand rôle dans la tenue d’une maison au Moyen Âge.

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Dame Ermyntrude Loring, fille, femme et mère de guerrier, était elle-même une noble figure. Elle était grande et maigre, avec les traits durs et d’orgueilleux yeux noirs. Mais ses cheveux d’un blanc de neige et son dos courbé n’effaçaient pas entièrement la sensation de crainte qu’elle faisait naître autour d’elle. Ses pensées et ses souvenirs remontaient en des temps plus rudes et elle considérait l’Angleterre autour d’elle comme un pays dégénéré et efféminé qui avait oublié les bonnes vieilles règles de la courtoisie chevaleresque.

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La puissance grandissante du peuple, la richesse prospère de l’Église, le luxe croissant de la vie et des manières, le ton plus doux de l’époque, elle détestait tout cela, si bien que tout le pays connaissait la crainte qu’inspiraient son fier visage et même le bâton de chêne avec lequel elle soutenait ses membres faiblissants.

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Cependant, si elle était redoutée, elle était aussi respectée car, à une époque où les livres étaient rares et plus encore ceux qui savaient les lire, une bonne mémoire et une langue toujours prête à la repartie étaient de grosses valeurs. Mais où donc les jeunes seigneurs illettrés du Surrey et du Hampshire auraient-ils pu entendre parler de leurs aïeux et de leurs combats, où auraient-ils pu apprendre la science de l’héraldique et de la chevalerie qu’elle tenait d’une époque plus rude et plus martiale, sinon auprès de Dame Ermyntrude ? Bien qu’elle fût pauvre, il n’était personne dans tout le Surrey dont on recherchât davantage le conseil sur les questions de préséance et de savoir-vivre que Dame Ermyntrude.

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Ce soir-là donc, elle était assise, le dos courbé près de l’âtre éteint. Elle regardait Nigel et les traits durs de son vieux visage ridé étaient adoucis par l’amour et l’orgueil. Le jeune homme s’occupait à tailler des carreaux d’arbalète et sifflotait doucement tout en travaillant. Mais il leva soudain la tête et aperçut les yeux sombres fixés sur lui. Il se pencha et caressa la vieille main parcheminée.

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– Qu’est-ce donc qui vous amuse, bonne Dame ? Je vois du plaisir dans vos yeux.

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– J’ai appris aujourd’hui, Nigel, comment vous aviez conquis ce grand cheval qui piaffe dans notre écurie.

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– Que non, bonne Dame. Ne vous avais-je point dit qu’il m’avait été donné par les moines ?

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– C’est en effet ce que vous m’aviez dit, mon enfant, mais sans plus ; et cependant le destrier que vous avez ramené ici est bien différent, je gage, de celui qui vous fut donné. Pourquoi ne m’avez-vous point conté cela ?

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– J’aurais trouvé honteux de parler de telles choses.

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– Tout comme votre père avant vous et comme son père avant lui ! Il restait assis en silence au milieu des chevaliers alors que le vin circulait à la ronde. Il écoutait les hauts faits des autres et, lorsque par hasard l’un d’eux élevait le verbe et semblait vouloir revendiquer les honneurs, votre père alors l’allait tirer délicatement par la manche et lui demandait à l’oreille s’il était un quelconque petit vœu dont il pût le relever ou encore s’il désirait se livrer à quelque fait d’armes à ses dépens. Si l’homme n’était qu’un fanfaron, il ne disait plus rien. Votre père gardait le silence et personne, jamais, n’en savait rien. Mais lorsque l’autre acceptait et se comportait vaillamment, votre père clamait partout sa renommée sans jamais faire mention de lui-même.

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Nigel, les yeux brillants, regarda la vieille dame.

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– J’aime à vous entendre parler de lui. Contez-moi une fois encore la façon dont il est mort.

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– Comme il avait vécu : en gentilhomme. C’était dans ce combat naval, sur la côte de Normandie ; votre père commandait l’arrière-garde sur l’embarcation du roi lui-même. Or l’année précédente, les Français s’étaient emparés d’un grand bateau anglais lorsqu’ils étaient venus dans notre pays et avaient incendié la ville de Southampton. Ce bateau était le Christopher, qu’ils avaient placé au premier rang de la bataille. Mais les Anglais s’en étaient rapprochés, l’avaient attaqué de flanc et avaient tué tous ceux qui s’y trouvaient.

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» Votre père et Sir Lorredan de Gênes, commandant du Christopher, se battirent sur le château arrière ; toute la flotte s’était arrêtée pour les regarder et le roi pleura car Sir Lorredan était un adroit homme d’armes qui s’était conduit vaillamment ce jour-là. Nombreux étaient les chevaliers qui enviaient votre père de ce qu’un tel adversaire lui fût échu. Mais votre père le força à reculer et lui porta à la tête un si violent coup de sa masse que le casque tourna et qu’il ne put plus voir par les œillères. Sir Lorredan alors jeta son glaive et se rendit, mais votre père le saisit par le casque qu’il redressa jusqu’à ce qu’il l’eût remis droit sur la tête de son adversaire. Lorsque ce dernier put voir de nouveau, votre père l’invita à se reposer, après quoi ils reprirent le combat, car c’était pour tous une grande joie que de voir des gentilshommes se conduire de telle façon. Ils s’assirent donc de commun sur la rambarde de la poupe ; mais, au moment même où ils levaient les mains pour recommencer leur lutte, votre père fut frappé par une pierre lancée par un mangonneau et il mourut.

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– Et Sir Lorredan ? s’écria Nigel. Il mourut aussi, à ce que j’ai compris.

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– Il fut abattu par les archers, je le crains, car ces gens adoraient votre père et ne voyaient point ces choses avec les mêmes yeux que nous.

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– Quel dommage ! Car il est évident que c’était un vrai chevalier qui s’était battu avec honneur.

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– Il était un temps, lorsque j’étais jeune, où les gens du commun n’eussent point osé porter la main sur un tel homme. Les hommes de sang noble et portant armure se faisaient la guerre entre eux, et les autres, archers et lanciers, se jetaient dans la mêlée. Mais actuellement, tous sont de plain-pied et il n’y en a plus qu’un qui parfois, comme vous, mon cher enfant, me rappelle ceux qui ne sont plus.

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Nigel se pencha un peu plus et lui saisit la main, qu’il serra dans les siennes.

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– Mais je suis ce que vous m’avez fait, lui dit-il.

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– C’est vrai ! En effet, j’ai veillé sur vous, tout comme le jardinier sur les plus belles floraisons, car c’est en vous seul que résident les espoirs de notre ancienne maison et, bientôt… très bientôt, vous allez vous trouver seul.

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– Non, bonne Dame, ne dites point cela !

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– Je suis bien vieille et je sens la grande ombre de la mort qui se referme doucement sur moi. Mon cœur ne demande qu’à partir, parce que tous ceux que j’ai connus et aimés s’en sont allés avant moi. Et pour vous ce sera un jour béni, car je ne vous ai que trop retenu loin du monde dans lequel votre esprit courageux ne demande qu’à vous jeter.

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– Non, non, je suis très heureux avec vous, ici à Tilford.

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– Nous sommes très pauvres, Nigel, et je ne sais où nous pourrions trouver l’argent nécessaire à vous équiper pour la guerre. Nous avons cependant de bons amis… Il y a Sir John Chandos, qui a conquis tant de crédit dans les guerres contre la France et qui chevauche toujours à côté du roi. Il était l’ami de votre père car ils furent faits chevaliers ensemble. Si je vous envoyais à la cour avec un message pour lui, il ferait tout ce qui est en son pouvoir.

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Une rougeur couvrit le visage de Nigel.

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– Non, dame Ermyntrude. Je veux trouver mon propre équipement, tout comme j’ai trouvé mon propre cheval, car je préférerais encore me jeter dans la bataille, revêtu seulement d’une tunique, plutôt que de devoir quelque chose à qui que ce fût.

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– Je redoutais de vous entendre parler de la sorte, Nigel, mais je ne vois point par quel autre moyen nous pourrions obtenir l’argent. Ah, il n’en était point ainsi du temps de mon père ! Je me souviens qu’alors une cotte de mailles n’était que bien peu de chose, et on pouvait l’acquérir à peu de frais parce qu’on en fabriquait dans toutes les villes anglaises. Mais, avec les années, depuis que les hommes prennent plus de soin de leur corps, ils ont ajouté une plate de cuirasse par-ci, une articulation par-là, et tout doit venir de Tolède ou de Milan, si bien qu’un chevalier doit avoir du métal plein la bourse avant de s’en pouvoir appliquer sur les membres.

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Nigel regarda d’un air songeur la vieille armure suspendue aux solives au-dessus de lui.

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– La lance de frêne est encore bonne, dit-il, de même que l’écu de chêne bardé d’acier. Sir Roger Fitz-Alan les a maniés et m’a dit qu’il n’avait jamais rien vu de meilleur. Mais l’armure…

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Lady Ermyntrude secoua la tête et se mit à rire.

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– Vous avez la grande âme de votre père, Nigel, mais vous n’en avez point la puissante carrure ni la longueur des membres. Il n’y avait point dans l’immense armée du roi un homme plus grand et plus fort. Aussi son armure vous serait-elle de peu d’usage. Non, mon fils, je vous conseille, lorsque le moment sera venu, de vendre votre vieille rosse et les quelques acres de terre qui vous restent, puis de partir en guerre dans l’espoir de poser votre main droite sur les fondements de la bonne fortune de la nouvelle maison des Loring.

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Une ombre de colère passa sur le frais et jeune visage de Nigel.

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– Je ne sais si nous pourrons retenir longtemps ces moines et leurs gens de loi. Aujourd’hui même est venu un homme de Guildford avec des revendications de l’abbaye pour des affaires remontant loin avant la mort de mon père.

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– Et où sont ces revendications ?

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– Elles voltigent dans les ajoncs de Hankley, car j’ai envoyé ces papiers parchemins aux quatre vents et ils se sont envolés aussi vite que le faucon.

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– Vous avez été sot d’agir de la sorte. Et l’homme, où est-il ?

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– Red Swire et le vieux George, l’archer, l’ont balancé dans la fondrière de Thursley.

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– Hélas ! Je crains bien que de telles choses ne soient plus permises de nos jours, bien que mon père ou mon époux eussent renvoyé le faquin à Guildford sans ses oreilles. Mais l’Église et la loi sont trop puissantes actuellement pour nous qui sommes de sang noble. Cela nous attirera des ennuis, Nigel, car l’abbé de Waverley n’est pas homme à retirer la protection du bouclier de l’Église à ceux qui sont ses fidèles serviteurs.

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– L’abbé ne nous fera point de mal. C’est ce vieux loup grisonnant de procureur qui en veut à nos terres. Mais laissez-le faire, car je ne le crains point.

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– Il dispose d’une arme si puissante, Nigel, que même les plus braves doivent la redouter : la possibilité de mettre un homme au ban de l’Église en l’excommuniant. Et nous, qu’avons-nous à lui opposer ? Je vous implore de vous adresser à lui avec courtoisie, Nigel.

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– Que non, chère Dame ! Mon devoir et mon plaisir tout ensemble ne demanderaient qu’à faire ainsi que vous me le demandez, mais je mourrais plutôt que de quémander comme une faveur ce que nous avons le droit d’exiger. Je ne puis porter les yeux sur cette fenêtre sans voir là-bas les champs ondoyants et les riches pâtures, les clairières et les vallons qui furent nôtres depuis que le Normand Guillaume les donna au Loring qui porta son bouclier à Senlac. Et maintenant, par ruse et par fraude, ils nous ont été enlevés, et plus d’un affranchi est plus riche que moi. Mais il ne sera point dit que j’aurai sauvé le reste en courbant le front sous le joug. Laissez-les donc faire tout leur mal, et laissez-moi le supporter et le combattre du mieux qu’il me sera possible.

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La vieille dame soupira et secoua la tête.

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– Vous parlez en vrai Loring ; cependant je redoute de graves ennuis… Mais laissons cela, puisque aussi bien nous n’y pouvons rien changer. Où donc se trouve votre luth, Nigel ? Ne voulez-vous point en jouer et chanter pour moi ?

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Un gentilhomme à cette époque pouvait à peine lire et écrire, mais il parlait deux langues, jouait au moins d’un instrument de musique comme passe-temps et connaissait la science de l’insertion de nouvelles plumes dans les ailes brisées d’un faucon, les mystères de la vénerie, la nature de chaque bête et de chaque oiseau, l’époque de leurs amours et de leurs migrations. Quant aux exercices physiques, tels que monter un cheval à cru, frapper d’un carreau d’arbalète un lièvre courant et escalader l’angle d’une cour de château, c’étaient là des jeux qu’avait tout naturellement appris le jeune seigneur. Mais il en avait été autrement de la musique, qui avait exigé de lui de longues heures d’un fastidieux travail. Enfin, il était parvenu à dominer les cordes, mais son oreille et sa voix n’étaient point des meilleures. Peut-être fut-ce pour cette raison qu’il n’eut qu’une audience restreinte pour écouter la ballade franco-normande qu’il chanta d’une voix flûtée et avec le plus grand sérieux, mais aussi avec plus d’une faute et d’un chevrotement, tout en balançant la tête en mesure avec la musique.

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Une épée ! Une épée ! Qu’on me donne une épée !

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Car le monde est à conquérir.

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Si dur soit le chemin et la porte cloîtrée,

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L’homme fort entre sans coup férir.

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Et quand le destin tiendrait encore la porte

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Qu’on m’en donne la clé de fer,

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Sur la tour flottera le cimier que je porte

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Ou je serai dans les enfers.

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Un cheval ! Un cheval ! Qu’on me donne un cheval,

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Qui me servira de monture

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Pour m’en aller combattre en seigneur très loyal

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Sans jamais craindre les blessures.

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Écarte donc de moi les jours d’oisiveté,

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Baignés d’une lumière grise.

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Montre-moi le chemin des pleurs dont l’âpreté

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Mène aux plus folles entreprises.

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Un cœur ! Un cœur aussi ! Qu’on me dorme un cœur !

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Pour faire face aux circonstances,

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Un cœur calme et serein, sans reproche et sans peur,

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Auquel vous souhaiterez chance.

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Un cœur fort et patient, mais ferme et décidé

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À tout entreprendre partout,

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Et partout et toujours à attendre et guetter,

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Gente Dame, un regard de vous.

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Peut-être était-ce parce que le sentiment l’emportait sur la musique ou peut-être la finesse de ses oreilles avait-elle été affaiblie par l’âge, mais Dame Ermyntrude battit des mains et cria de satisfaction.

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– Sans aucun doute, Weathercote a eu un bon élève ! Chantez encore, je vous prie.

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– Non, non, bonne Dame, entre nous, c’est à chacun son tour. Je vous prie donc de vouloir me réciter une romance, vous qui les savez toutes. Depuis tant d’années que je les écoute, je n’en connais point encore la fin et j’oserais jurer qu’il y en a plus dans votre tête que dans tous les grands fascicules qu’on m’a fait voir à Guildford Castle. J’aimerais tant entendre Doon de Mayence, La Chanson de Roland ou Sir Isumbras !

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Et ainsi donc la vieille dame se lança dans un long poème, lent et morne dans l’exorde, mais s’accélérant à mesure que l’intérêt grandissait ; finalement, les mains tendues, le visage illuminé, elle récita des vers qui chantaient le vide de cette existence sordide, la grandeur d’une vie héroïque, le caractère sacré de l’amour et la servitude de l’honneur. Nigel, les traits figés et les yeux rêveurs, resta suspendu à ses lèvres jusqu’à ce que les derniers mots s’éteignissent et que la vieille dame retombât, épuisée, dans son fauteuil. Nigel se pencha sur elle et l’embrassa au front.

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– Vos paroles seront toujours comme des étoiles sur mon chemin.

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Puis, se dirigeant vers la petite table au jeu d’échecs, il lui proposa de jouer leur partie quotidienne avant de regagner leur chambre pour la nuit.

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Mais le jeu fut brusquement interrompu. Un chien pointa les oreilles et aboya. L’autre courut grogner à la porte. Puis on entendit un cliquetis d’armes, un coup frappé sur la porte avec un bâton ou le pommeau d’une épée, et une voix ordonna d’ouvrir au nom du roi. La vieille dame et Nigel se levèrent d’un bond, bousculant la table qui, en se renversant, éparpilla les pièces sur les nattes. La main de Nigel chercha son arbalète, mais Lady Ermyntrude lui saisit le bras.

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– Non, mon enfant ! N’avez-vous point entendu qu’ils venaient au nom du roi ! Couché, Talbot ! Couché, Bayard ! Ouvrez la porte et faites entrer le messager.

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Nigel détacha le verrou et la lourde porte, tournant sur ses gonds, s’ouvrit vers l’extérieur. La lumière des torches flamboyantes frappa des casques de fer et de fiers visages barbus, fit scintiller des épées nues et des arcs. Une douzaine d’archers envahirent la pièce. À leur tête se trouvait le maigre procureur de Waverley et un grand homme âgé, vêtu d’un pourpoint et de chausses de velours rouge maculés de boue. Il était porteur d’une grande feuille de parchemin d’où pendait une frange de sceaux et qu’il tendit en entrant.

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– Je viens voir Nigel Loring, cria-t-il : moi, officier de justice du roi, et porte-contrainte de Waverley, je demande à voir le dénommé Nigel Loring.

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– Me voici.

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– Oui, c’est bien lui ! s’écria à son tour le procureur. Archers, faites votre devoir.

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À l’instant même, tous fondirent sur Nigel, comme des chiens de chasse sur un cerf. Le jeune garçon tenta en vain de saisir son glaive qui se trouvait sur le coffre de fer. Avec les forces convulsives que donne l’esprit plus que le corps, il les traîna tous dans cette direction, mais le procureur s’empara de l’arme tandis que les autres jetaient le jeune seigneur sur le sol et le ligotaient.

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– Tenez-le bien, archers ! Ne le lâchez surtout point ! cria le porte-contrainte. Je vous prie aussi de piquer ces grands chiens qui me grognent aux talons… Tenez-vous à l’écart, vous dis-je, au nom du roi ; Watkin, placez-vous entre moi et ces créatures qui ont aussi peu de respect pour la loi que leur maître.

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Un des archers chassa les chiens fidèles. Mais la maisonnée comprenait d’autres êtres tout aussi prêts à montrer les dents pour défendre la maison des Loring : dans la porte qui menait à leur quartier s’encadraient déjà les domestiques en haillons. Il avait été un temps où dix chevaliers, quarante hommes d’armes et deux cents archers auraient marché derrière les roses rouges. Mais cette fois, alors que le jeune seigneur gisait enchaîné dans sa propre demeure, les seuls à paraître pour le défendre furent le page Charles armé d’un gourdin, John le cuisinier armé de sa broche la plus longue, Red Swire, le vieil homme d’armes, brandissant une grande hache au-dessus de ses cheveux blancs, et Weathercote le ménestrel, un épieu dans les mains. Cependant ce piteux déploiement de force était animé de l’esprit de la maison et, sous la conduite du vieux et fier guerrier, ils se seraient sans aucun doute jetés sur les glaives des archers, si Lady Ermyntrude ne s’était précipitée au-devant d’eux.

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– Arrière, Swire ! cria-t-elle. Arrière, Weathercote ! Charles, attachez Talbot et retenez Bayard !

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Ses yeux noirs se tournèrent vers les envahisseurs qui frémirent devant le terrible regard.

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– Qui êtes-vous, marauds, qui osez abuser du nom du roi pour porter la main sur un homme dont une seule goutte de sang vaut plus que tout celui qui coule dans vos misérables corps d’esclaves ?

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– Tout doux, bonne Dame, tout doux, je vous prie, répondit le porte-contrainte dont le visage avait repris sa teinte naturelle depuis qu’il n’avait plus à traiter qu’avec une femme. Il existe une loi en Angleterre, notez-le, et il y a des gens qui la servent et la font respecter. Ce sont des hommes fidèles et les vassaux du roi. C’est ce que je suis. Ensuite, il y a ceux qui prennent un homme tel que moi, pour le conduire, le porter, l’attirer dans une fondrière ou un marais, tel ce vieux disgracieux armé d’une hache et que j’ai déjà rencontré ce jour. Il y a encore ceux qui détruisent ou éparpillent les papiers de loi : ainsi ce jeune homme. Ainsi donc, bonne Dame, je vous engage à ne vous en point prendre à nous, mais de comprendre que nous sommes des gens du roi, au service du roi.

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– Et que venez-vous faire dans cette demeure à pareille heure de la nuit ?

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Le porte-contrainte se racla pompeusement la gorge et, tournant son parchemin vers la lumière des torches, lut un long document rédigé en normand dans un style tel que les plus compliquées et les plus ridicules de nos tournures de phrase actuelles sont la simplicité même, comparées à celles de l’homme à la longue robe qui faisait un mystère de la chose la plus simple et la plus claire au monde. Le désespoir emplit le cœur de Nigel et fit pâlir la vieille dame, à entendre se dérouler le long catalogue de réclamations, de requêtes, de conclusions, de questions concernant le pecari et d’autres impôts, et qui se terminait par la revendication de toutes les terres, des biens transmissibles par héritage, des meubles, maisons, dépendances et métairies à quoi se montait leur fortune.

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Nigel, toujours ligoté, avait été placé le dos au coffre de fer, d’où il entendit, les lèvres sèches et le cil humide, le destin de sa maison. Mais il interrompit le long récitatif avec une véhémence qui fit sursauter le porte-contrainte.

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– Vous regretterez ce que vous avez fait cette nuit ! lui cria-t-il. Si pauvres que nous soyons, nous avons des amis pour nous venger, et je plaiderai ma cause devant le roi lui-même à Windsor afin que lui, qui a vu mourir le père, sache ce que l’on fait en son royal nom contre le fils. Mais ces questions devront être traitées devant les cours de justice du roi. Et comment répondrez-vous de cette attaque contre ma maison et ma personne ?

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– C’est une autre affaire, répondit le procureur. La question des dettes peut en effet être traitée devant les cours civiles. Mais c’est un crime contre la loi et un acte diabolique, qui tombe sous la juridiction de la cour de l’abbaye de Waverley, que de porter la main sur le porte-contrainte et ses papiers.

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– C’est la vérité ! cria l’officier. Je ne connais point de plus noir péché.

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– Ainsi donc, fit le sévère moine, le révérend père abbé a ordonné que vous couchiez cette nuit dans une cellule de l’abbaye et que, dès demain, vous comparaissiez en sa présence devant la cour, réunie dans la salle du chapitre, afin d’y recevoir la juste punition pour cet acte de violence et d’autres encore, perpétrés contre les serviteurs de la sainte Église. Mais en voilà assez, digne maître. Archers, emmenez le prisonnier !

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Au moment où quatre archers soulevaient Nigel, Dame Ermyntrude voulut se porter à son aide, mais le procureur la repoussa.

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– Au large, bonne Dame. Laissez la loi suivre son cours et apprenez à vous humilier devant la puissance de la sainte Église. La vie ne vous a-t-elle donc point appris sa leçon, à vous dont les trompes sonnaient autrefois parmi les plus grandes et qui bientôt n’aurez même plus un toit au-dessus de vos cheveux gris ? Arrière, vous dis-je, ou je vous jette ma malédiction.

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La vieille dame éclata soudain en fureur devant le moine :

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– Écoutez-moi vous maudire, vous et les vôtres, cria-t-elle en levant ses bras décharnés et en foudroyant son interlocuteur de ses yeux flamboyants. Ce que vous avez fait à la maison de Loring, puisse Dieu vous le rendre jusqu’à ce que votre puissance soit balayée du pays d’Angleterre et que, de votre grande abbaye de Waverley, il ne reste plus pierre sur pierre dans la verte prairie ! Je le vois ! Je vois cela d’ici ! Mes yeux usés le voient ! Depuis le dernier marmiton jusqu’à l’abbé, et des celliers jusqu’aux tours, puisse l’abbaye de Waverley, et tout ce qu’elle contient, perdre de sa puissance et s’affaiblir à partir de cette nuit !

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Le moine, si dur qu’il fût, frémit devant cette figure décharnée qui lançait son suprême anathème. Le porte-contrainte et ses archers avaient déjà quitté la pièce avec leur prisonnier. Il se retira donc vivement en claquant la porte derrière lui.

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Chapitre 5 COMMENT NIGEL FUT JUGÉ PAR L’ABBÉ DE WAVERLEY

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La législation médiévale, enténébrée comme elle l’était par le dialecte normand qui abondait en termes rudes et incompréhensibles, était une arme terrible aux mains de ceux qui savaient s’en servir. Ce n’est pas pour rien que le premier soin des révoltés fut de trancher la tête du lord chancelier. À une époque où peu de gens savaient lire et écrire, ces phrases et ces tournures compliquées, avec les parchemins et les sceaux qui constituaient leurs enveloppes, frappaient de terreur les cœurs aguerris contre les dangers physiques.

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Même le caractère gai et souple du jeune Nigel Loring eut un léger frisson cette nuit-là, alors que, étendu dans la cellule pénitentiaire de Waverley, il méditait sur la ruine absolue qui menaçait sa maison et qui émanait d’une source contre laquelle le courage était impuissant. Autant ceindre l’épée et le bouclier pour lutter contre la peste noire que contre ce pouvoir qu’était la sainte Église. Il se trouvait là, impuissant, aux mains de l’abbé qui l’avait déjà dépouillé d’un champ par-ci, d’un hallier par-là, et qui cette fois, d’un seul coup, lui enlevait tout ce qui lui restait. Mais alors, où donc serait la maison des Loring, où Lady Ermyntrude reposerait-elle sa tête chargée d’ans, et où ses vieux serviteurs, usés et fatigués, trouveraient-ils la compréhension à laquelle ils avaient droit après des années de travail ? Il frissonna à cette pensée.

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La menace de porter la question devant le roi était belle et bonne, mais il y avait des années qu’Édouard n’avait plus entendu le nom des Loring, et Nigel savait que le prince avait la mémoire courte. De plus, l’Église faisait la loi au palais autant que dans les demeures du peuple, et il fallait une très bonne raison pour qu’on pût attendre du roi qu’il contrecarrât la volonté d’un prélat aussi important que l’abbé de Waverley, du moment qu’elle restait en concordance avec la loi. De quel côté, alors, lui fallait-il regarder pour chercher du secours ? Avec la piété simple et pratique de son âge, il implora l’aide de ses saints particuliers : saint Paul, dont les aventures sur terre et sur mer l’avaient toujours passionné ; saint Georges qui avait conquis sa place en luttant contre le dragon ; et saint Thomas qui, étant un gentilhomme d’armes, comprendrait et aiderait un noble. Grandement réconforté par ces naïves oraisons, il dormit du doux sommeil dont jouissent la jeunesse et la santé jusqu’à l’arrivée du frère lai qui lui apportait le pain et la bière légère de son déjeuner. La cour de l’abbé siégeait dans la salle du chapitre à l’heure canonique de tierce, soit neuf heures du matin. Elle fonctionnait toujours avec solennité, même lorsque l’accusé n’était qu’un vilain surpris à braconner sur les terres de l’abbaye ou un colporteur qui avait trompé par des mesures inexactes en usant d’une balance faussée. Mais cette fois, alors qu’il s’agissait de juger un noble, le cérémonial légal et ecclésiastique allait s’accomplir jusque dans ses moindres détails, risibles ou impressionnants, avec tout le rituel prescrit. Au milieu du lointain bourdonnement de la musique religieuse et du lent tintement de la cloche de l’abbaye, les frères, en soutane blanche et deux par deux, firent trois fois le tour de la salle en chantant le Veni, creator avant de s’installer à leur place devant les pupitres rangés de part et d’autre. Ensuite, tous les dignitaires de l’abbaye gagnèrent leur place dans l’ordre hiérarchique croissant : l’aumônier, le lecteur, le chapelain, le sous-prieur et le prieur.

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Enfin parut le sinistre procureur, à la démarche triomphante, suivi de l’abbé John lui-même, lent et digne, s’avançant d’un pas lent et solennel, le visage compassé, son chapelet aux grains de fer se balançant autour de sa taille, un bréviaire à la main, les lèvres marmottant des prières. Il s’agenouilla devant son haut prie-Dieu. Les frères, sur un signal du prieur, se prosternèrent sur le sol et les grosses voix graves s’unirent en une prière répercutée en écho par les arches et les voûtes, pareille au grondement des vagues que fait résonner une caverne. Enfin, les moines reprirent leur place. À ce moment les clercs, vêtus de noir, entrèrent avec leurs plumes et leurs parchemins. Le porte-contrainte, en velours rouge, parut ensuite pour faire sa déposition. Après quoi, Nigel fut amené entouré de près par des archers. Enfin, après de nombreux appels en vieux français, après beaucoup d’incantations rituelles et mystérieuses, la séance fut ouverte.

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Ce fut le procureur qui se dirigea le premier vers le banc de chêne réservé aux témoins ; il exposa de façon dure, sèche et mécanique les nombreuses revendications de la maison de Waverley contre la famille de Loring. Il y avait plusieurs générations de cela, en compensation d’une avance d’argent ou de quelque faveur spirituelle, le Loring de l’époque avait reconnu à ses terres des devoirs féodaux envers l’abbaye. Le procureur brandissait le parchemin jauni, garni de sceaux de plomb, et sur lequel se fondait sa réclamation. Parmi les servitudes acceptées se trouvait l’escuage, ou taxe due par un vassal en place d’un service personnel, et le montant de ce droit de chevalerie était exigible chaque armée. Cette somme n’avait jamais été versée, et aucun service n’avait jamais été rendu. Du fait de l’accumulation des ans, les arriérés dépassaient de loin la valeur des terres. Mais il y avait encore d’autres réclamations. Le procureur se fit apporter les registres et, de son index fin et nerveux, en lut la longue nomenclature : somme due pour ceci, tallage ou impôt royal pour cela, tant de shillings pour telle année, tant de nobles d’or pour telle autre. Beaucoup de ces faits remontaient à une époque antérieure à la naissance de Nigel, d’autres à son enfance. Les sommes avaient été contrôlées et certifiées exactes par l’avocat.

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Nigel écouta la litanie et se sentit comme un cerf aux abois, qui a une pose altière et le cœur en feu, mais se voit encerclé et sait fort bien qu’il n’a plus d’échappatoire. Avec son jeune visage, ses calmes yeux bleus et le port dédaigneux de sa tête, il était le digne descendant de la vieille maison : le soleil, qui brûlait à travers la haute fenêtre en encorbellement et tombait sur le tissu maculé et usé de son pourpoint, semblait vouloir éclairer de ses rayons la fortune déchue de la famille.

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Le procureur en avait fini de son exposé et l’avocat allait refermer un dossier que Nigel ne pouvait en aucun cas contester, lorsque l’aide lui vint soudain d’un côté où il n’en attendait point. Qui sait s’il fallait mettre cette chance au compte de la réaction à la méchanceté du procureur, si désireux de pousser l’affaire, ou l’imputer au dégoût du diplomate, qui n’aime pas qu’on noircisse le tableau, voire à la gentillesse naturelle de l’abbé John, homme soupe au lait, tout aussi prompt à s’apaiser qu’à s’enflammer ? En tout cas, une main blanche et grassouillette s’éleva avec autorité, signifiant que l’affaire était close.

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– Notre frère procureur a fait son devoir en précipitant ce cas, dit-il, car la richesse temporelle de cette abbaye se trouve sous sa pieuse garde, et c’est vers lui que nous nous tournerions si nous devions souffrir sous cet aspect : nous ne sommes que les gardiens des biens que nous devons transmettre à nos successeurs. Mais on a aussi confié à ma garde une chose plus précieuse encore : le bon esprit et la haute réputation de ceux qui suivent la règle de saint Bernard ; nous avons toujours eu pour soin, depuis que notre saint fondateur se rendit dans la vallée de Clairvaux et s’y bâtit lui-même une cellule, de nous ériger en exemples de douceur et de dignité pour tous les hommes. C’est pour cette raison que nous bâtissons nos maisons en terrain plat, que les chapelles de nos abbayes n’ont point de tours et que nous n’avons dans nos murs ni objets de luxe ni métaux à l’exception du fer et du plomb. Un frère mange dans une écuelle de bois, boit dans une coupe de fer et s’éclaire avec un bougeoir de plomb. Il ne sied certainement point à un pareil ordre, qui attend l’exaltation promise aux humbles, de juger son propre cas et d’acquérir ainsi les terres de son voisin. Si notre cause est juste, comme je crois qu’elle l’est, il vaudrait mieux qu’elle fût jugée devant les assises du roi à Guildford. Je décide donc de renvoyer l’affaire afin qu’elle soit entendue ailleurs.

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Nigel murmura une prière aux trois saints qui l’avaient si bien secouru à l’heure du besoin.

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– Abbé John, dit-il, je n’aurais jamais cru qu’un homme portant mon nom adresserait un jour des remerciements à un cistercien de Waverley. Mais, par saint Paul, vous avez parlé en homme aujourd’hui. Ce serait en effet jouer avec des dés pipés, si le cas de l’abbaye était jugé par l’abbaye elle-même.

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Les frères vêtus de blanc regardèrent d’un air à la fois réprobateur et amusé, tout en écoutant cette étrange réponse adressée à celui qui, dans leur vie étroite, était en quelque sorte le représentant direct du ciel. Les archers s’étaient écartés de Nigel comme s’ils eussent voulu montrer qu’il était libre de s’en aller, lorsque la voix puissante du porte-contrainte rompit le silence.

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– S’il vous plaît, Révérend Père, votre décision est en effet secundum legem et intra vires1 en ce qu’elle porte sur l’accusation civile qui concerne cet homme et votre abbaye. C’est là votre affaire. Mais c’est moi, Joseph, porte-contrainte, qui ai été grandement et criminellement malmené. Ce sont mes ordonnances, mes papiers et mes sceaux qui ont été détruits, mon autorité qui a été bafouée et ma personne qui a été traînée dans une fondrière, marécage ou marais, à tel point que mon pourpoint de velours et l’insigne de mon office sont perdus et se trouvent, à ce que je crois, dans ce marais, marécage ou fondrière suscité, qui est le même marécage, marais…

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– Assez ! cria l’abbé. Laissez donc là cette ridicule façon de vous exprimer et dites-nous clairement ce que vous désirez.

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– Révérend Père, j’ai été officier du roi, tout autant que serviteur de la sainte Église. Et j’ai été assailli et interrompu dans l’exercice légal et légitime de mes fonctions, mes papiers rédigés au nom du roi ont été détruits, et leurs morceaux jetés au vent. Et pour cette raison donc, je demande justice contre cet homme, devant la cour de l’abbaye, ladite agression ayant été commise dans les limites de la juridiction de l’abbaye.

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– Qu’avez-vous à ajouter à ceci, Frère procureur ? demanda l’abbé, quelque peu perplexe.

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– J’ajouterai, mon Père, qu’il est en notre pouvoir de traiter délicatement et charitablement pour tout ce qui nous concerne, mais que, pour ce qui regarde l’officier du roi, nous manquerions à notre devoir en ne lui accordant point toute la protection qu’il requiert de nous. Je vous rappellerai aussi, Révérend Père, que ce n’est point le premier acte de violence de l’accusé, mais que, avant cela, il a roué de coups certains de vos serviteurs, défié notre autorité et introduit un brochet dans le vivier de l’abbé.

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Les lourdes joues du prélat rougirent de colère au rappel de cet outrage. Son regard se durcit et ses yeux se tournèrent vers le prisonnier.

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– Dites-moi, sir Nigel, avez-vous vraiment mis du brochet dans l’étang ?

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Le jeune homme se redressa fièrement.

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– Avant que je réponde à pareille question, Père abbé, répondez d’abord à la mienne et dites-moi ce que les moines de Waverley ont jamais fait pour moi, pour que je sois assez bon de retenir ma main quand je puis leur faire tort.

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Un murmure bas parcourut la pièce, un murmure en partie d’étonnement devant pareille franchise, et en partie de colère devant tant de hardiesse. L’abbé reprit place comme quelqu’un qui a pris une décision.

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– Que le cas du porte-contrainte soit exposé devant nous ! Justice sera rendue et le coupable puni, fût-il noble ou roturier. Que la plainte soit déposée devant la cour !

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L’histoire du porte-contrainte, bien que farcie de répétitions légales interminables, n’était que trop claire dans son essence. Red Swire, dont le visage rouge de colère était encadré de favoris blancs, fut introduit et avoua avoir malmené l’officier de justice. Un second inculpé, un petit archer de Churt, l’avait aidé dans son forfait. Tous deux se déclarèrent prêts à reconnaître que le jeune squire Nigel Loring ignorait tout de la chose. Mais en plus de cela, il y avait eu les papiers déchirés. Nigel, incapable de mentir, dut reconnaître que c’était de ses propres mains qu’il avait détruit les augustes documents. Il était trop fier pour invoquer une excuse ou une explication. Un nuage assombrit les sourcils de l’abbé et le procureur regarda le prisonnier avec un sourire ironique, tandis qu’un murmure parcourait la salle du chapitre lorsque l’instruction fut close.

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– Squire Nigel, fit l’abbé, il vous appartenait, à vous surtout qui êtes d’ancienne lignée, de donner le bon exemple afin de guider la conduite des autres, au lieu de quoi votre manoir a toujours été le centre de l’agitation ; non content de votre comportement rude envers nous, les moines cisterciens de Waverley, vous avez opposé votre mépris à la loi royale, et vos serviteurs ont malmené la personne de son messager. Pour pareille offense, il est de mon devoir d’appeler les terreurs spirituelles de l’Église sur votre tête, mais cependant, je ne serai point dur envers vous, considérant que vous êtes jeune et que, pas plus tard que la semaine passée, vous avez sauvé la vie d’un serviteur de notre abbaye alors qu’il se trouvait en danger. C’est donc de moyens temporels et charnels que j’userai pour maîtriser votre esprit indiscipliné et châtier votre humeur entêtée et violente qui a provoqué semblable scandale dans vos rapports avec l’abbaye. Au pain et à l’eau pendant six semaines jusqu’à la fête de saint Benedict, plus une exhortation quotidienne par notre chapelain, le pieux père Ambrose, qui réussira peut-être à courber cette fière nuque et à adoucir ce cœur dur.

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Devant cette sentence ignominieuse qui condamnait le fier et dernier descendant des Loring à partager le destin du plus vil des braconniers du village, le sang bouillonnant de Nigel lui monta au visage. Son œil regarda autour de lui, montrant plus clairement que les mots qu’il n’accepterait jamais cette malédiction. Par deux fois il essaya de parler et, par deux fois, la colère et la haine arrêtèrent les mots dans sa gorge.

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– Je ne suis point de vos serfs, Père abbé, s’écria-t-il enfin. Nous avons toujours été vavasseurs du roi. Je vous dénie, à vous et à votre cour, le droit de pouvoir édicter une sentence contre moi. Punissez donc vos moines qui frémissent devant un froncement de vos sourcils, mais prenez garde de ne point porter la main sur quelqu’un qui ne vous craint point, qui est un homme libre et ne redoute que le roi lui-même.

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Un court instant, l’abbé parut ébranlé par ces fières paroles et par la voix haute et sonore qui les prononçait. Mais le sévère procureur vint, comme toujours, renforcer sa volonté. Il brandit le vieux parchemin.

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– Les Loring étaient en effet vavasseurs du roi, dit il. Voici le sceau d’Eustace Loring qui prouve qu’il s’était fait vassal de l’abbaye et que c’est d’elle qu’il tenait sa terre.

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– Parce qu’il était crédule, s’écria Nigel. Parce qu’il ne soupçonnait ni la ruse ni les artifices.

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– Non, intervint le porte-contrainte. S’il vous plaît de m’entendre sur un point de loi, Père abbé, peu importent les causes pour lesquelles un acte a été souscrit, signé ou confirmé. Un tribunal n’attache d’importance qu’aux termes, articles, conventions et engagements dudit acte.

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– De plus, ajouta le procureur, une sentence a été rendue par la cour de l’abbaye et c’en serait fait de notre honneur et de notre nom si nous ne nous y tenions point.

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– Frère procureur, s’emporta l’abbé, il me semble que vous faites preuve d’excès de zèle dans cette affaire. Il serait certes en notre pouvoir de maintenir haut la dignité et l’honneur de l’abbaye, sans vos conseils. Quant à vous, honorable porte-contrainte, vous donnerez votre avis quand on vous le demandera, et non avant, sans quoi vous pourriez avoir affaire à ce tribunal… Votre cause a été entendue, sir Loring, et jugement rendu. J’ai dit !

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Il fit un geste de la main et aussitôt un archer saisit le prisonnier aux épaules. Mais ce rude toucher plébéien réveilla l’esprit de révolte dans le cœur de Nigel. Dans toute la haute lignée de ses ancêtres, un seul d’entre eux avait-il été soumis à pareille ignominie ? Et n’aurait-il point préféré la mort ? Allait-il donc devoir être le premier à renoncer à leur esprit, à leurs traditions ? D’un mouvement rapide et souple, il se laissa glisser sous le bras de l’archer et, du même geste, saisit le glaive court et droit que l’homme portait au côté. Un instant plus tard, il bondissait dans le renfoncement d’une des étroites fenêtres, d’où il tourna vers l’assemblée son visage pâle et déterminé, ses yeux scintillants et sa lame nue.

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– Par saint Paul ! lança-t-il, je n’ai jamais cru pouvoir trouver honorable avancement sous le toit d’une abbaye, mais avec un peu de chance, il pourrait y avoir de la place ici avant que vous ne m’enfermiez dans votre prison.

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La salle du chapitre se trouva fort agitée. Jamais au cours de sa longue histoire l’abbaye n’avait vu semblable scène se dérouler dans ses murs. Pendant une seconde, les moines eux-mêmes parurent affectés par l’esprit de révolte. Leurs entraves à vie se desserrèrent quelque peu au spectacle qui leur était donné de ce défi inouï lancé à l’autorité. Ils quittèrent leurs sièges des deux côtés de la salle et se pressèrent, mi-effrayés, mi-fascinés, en un large cercle autour du captif. Ils se le montraient du doigt, grimaçaient et commentaient ce scandale. Les mortifications se succéderaient durant de nombreuses semaines avant que l’ombre de ce jour passât de Waverley. Mais, en attendant, aucun effort ne fut tenté pour les ramener à la règle. Il n’y avait plus que du désordre. L’abbé, qui avait quitté son siège de justice, s’avança mais fut engouffré et bousculé dans la foule de ses moines comme un chien de berger empêtré au milieu du troupeau.

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Seul le procureur resta au large. Il avait cherché refuge derrière les archers qui regardaient d’un air approbateur et indécis cet audacieux fugitif.

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– Sus ! cria le procureur. Va-t-il donc défier l’autorité de cette cour ? Un seul homme va-t-il avoir raison de vous six ? Approchez-vous et saisissez-vous de lui ! Voyons, Baddlesmere, pourquoi reculez-vous ?

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L’homme ainsi interpellé, grand gaillard à la barbe en broussaille, vêtu comme les autres d’un justaucorps et de hauts-de-chausse verts, avec de hautes bottes brunes, s’avança lentement le glaive à la main vers Nigel. Il n’avait guère le cœur à l’ouvrage, car ces tribunaux religieux n’étaient que très peu populaires ; chacun se sentait apitoyé par les mésaventures de la maison de Loring, et souhaitait tout le bien possible au jeune héritier.

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– Allons, messire, venez, vous avez provoqué assez de trouble, déjà ! Allons, rendez-vous !

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– Venez donc me quérir, mon brave ami ! répondit Nigel dans un sourire.

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Et l’archer courut à lui. Le métal brilla, une lame scintilla, et l’homme recula en titubant, un filet de sang dégoulinant sur son avant-bras et ses doigts. Il les tordit et grommela un juron en saxon.

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– Par la croix noire de Bromeholm ! s’écria-t-il, je préférerais encore fourrer la main dans un terrier de renard pour arracher la femelle à ses petits.

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– Au large ! cria Nigel sèchement. Je ne vous ferai point de mal mais, par saint Paul ! je ne me laisserai point appréhender ainsi, ou quelqu’un en pâtira.

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Il avait l’œil si fier et la lame si menaçante en se penchant dans l’étroite ogive de la fenêtre que le petit groupe des archers ne sut plus que faire. L’abbé s’était frayé un passage dans la masse et se tenait là, écarlate dans sa dignité outragée.

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– Il s’est mis hors la loi, dit-il. Il a versé le sang dans la cour de justice et pour pareil péché, il n’est point de pardon. Je n’admettrai point que l’on fasse ainsi fi de mon tribunal. Que celui qui tire l’épée périsse par l’épée ! Forestier Hugh, mettez une flèche à votre arc !

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L’homme, un des serviteurs lais de l’abbaye, pesa de tout son poids sur l’arc et fixa le bout libre de la corde dans l’entaille supérieure, après quoi, saisissant une de ses terribles flèches de trois pieds, à pointe de fer et ornées de plumes, il la posa sur la corde.

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– Bandez votre arc et tenez-vous prêt, cria l’abbé furieux. Sir Nigel, il ne convient point à la sainte Église de verser le sang, mais à la violence nous ne pouvons opposer que la violence. Et que la faute en retombe sur votre tête ! Jetez le glaive que vous tenez à la main !

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– Me laisserez-vous quitter librement cette abbaye ?

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– Lorsque vous aurez purgé votre peine et payé pour vos péchés.

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– Dans ce cas, plutôt mourir ici que rendre mon glaive.

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Un éclair terrifiant scintilla dans l’œil de l’abbé. Il descendait de combattants normands, comme tous ces fiers prélats qui, portant une masse dans la crainte de verser le sang, conduisaient leurs troupes au combat sans jamais oublier que c’était un homme revêtu de leur robe et de leur dignité qui, la crosse à la main, avait fait basculer le destin en cette sanglante journée de Hastings. Les doux accents de l’homme d’Église avaient disparu et ce fut la voix dure du soldat qui ordonna :

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– Je vous accorde une minute et pas plus ! Quand je crierai : Lâchez ! envoyez-lui une flèche dans le corps.

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Le trait fut fixé, l’arc bandé et l’œil du forestier se fixa sur sa cible. La minute s’écoula lentement, et Nigel mit ce temps à profit pour prier ses trois saints guerriers non point de sauver son corps dans ce monde, mais de prendre soin de son âme dans l’autre. Il songea une seconde à sortir en bondissant comme un chat sauvage mais, une fois hors de son coin, il était perdu. Cependant, il allait s’élancer au milieu de ses ennemis et déjà il ployait le corps pour sauter lorsque, avec une vibration sourde, la corde de l’arc se rompit, laissant la flèche retomber à terre. Au même moment, un jeune archer bouclé, aux larges épaules et au coffre profond qui dénotaient la force autant que le visage franc et rieur, les grands yeux honnêtes signalaient la bonne humeur et la vaillance, bondit de l’avant glaive en main et se porta aux côtés de Nigel.

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– Non, mes amis, lança-t-il, Samkin Aylward ne restera point là à regarder un hardi gentilhomme abattu comme un taureau à la fin du combat. Cinq contre un, c’est par trop, mais deux contre quatre, voilà qui est mieux ! Et, sur mes os, le squire Nigel et moi quitterons cette salle ensemble, que ce soit sur nos pieds ou non.

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L’allure puissante de cet allié et sa grande réputation parmi ses amis donnaient un intérêt nouveau à l’ardeur du combat. Le bras gauche d’Aylward était passé dans son arc bandé, et il était connu de Woolmer Forest jusqu’au Weald comme l’archer le plus rapide et le plus sûr qui eût jamais touché un daim courant à deux cents pas.

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– Eh non, Baddlesmere, ôte donc la main de ton carquois, sans quoi elle va devoir prendre deux mois de repos pour se cicatriser ! fit encore Aylward. Au glaive, si vous voulez, mes amis, mais pas un homme ne touchera à son arc aussi longtemps que je tiendrai le mien.

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Les cœurs débordants de colère de l’abbé et du procureur s’élevèrent dans un surcroît de rage devant ce nouvel obstacle.

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– Que voilà un mauvais jour pour votre père Franklin Aylward qui possède une tenure à Crooksbury ! fit le procureur. Il regrettera à jamais d’avoir eu un fils qui lui aura fait perdre ses terres et tous ses biens.

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– Mon père est un valeureux yeoman qui déplorerait bien plus encore que son fils restât impassible alors qu’il se commet une lâcheté, rétorqua Aylward fièrement. Attaquez, mes amis, nous vous attendons !

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Encouragés par les promesses d’une récompense s’ils se mettaient au service de l’abbaye et menacés de représailles s’ils refusaient, les quatre archers allaient s’avancer, lorsqu’une singulière interruption donna une tournure nouvelle aux événements.

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Tandis que se déroulait cette scène, un groupe de frères lais, de serviteurs et de varlets s’était formé à la porte du chapitre et ils suivaient le déroulement du drame avec l’intérêt et le plaisir avec lesquels on accueille généralement tout ce qui fait diversion à une sombre routine. Mais soudain il se fit parmi les derniers du groupe un remous qui se propagea vers le centre et, pour finir, le premier rang fut violemment rejeté de côté. Dans la trouée surgit une silhouette étrangère qui, au moment même de son apparition, domina de toute son autorité le chapitre, l’abbé, les moines, les prélats et les archers.

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C’était un homme dans la vigueur de l’âge, à la fine chevelure blonde, portant une moustache frisée et dont le menton s’ornait d’une légère barbe de même teinte que les cheveux ; sur le visage anguleux on ne voyait qu’un grand nez semblable à un bec d’aigle. De fréquentes expositions au vent et au soleil avaient tanné et hâlé sa peau. Il était grand et élancé. L’un de ses yeux était entièrement recouvert par la paupière qui retombait sur une orbite vide, mais l’autre dansait et pétillait, sautant de gauche à droite avec une sorte d’ironie critique et intelligente, tout le feu de son âme semblant s’écouler par cette seule ouverture. Ses vêtements étaient aussi remarquables que sa personne. Un riche pourpoint et un manteau étaient marqués au revers d’une grande devise écarlate en forme de coin. Une dentelle de grand prix lui recouvrait les épaules et, au milieu des plis, apparaissait le scintillement d’une lourde chaîne d’or. Une ceinture et des éperons de chevalier cliquetant à ses bottes de daim proclamaient son rang. Sur le poignet de son gantelet gauche, il portait un petit faucon, ou hobereau, chaperonné, d’une race qui à elle seule dénotait la dignité du propriétaire. Il n’avait point d’armes, mais à son dos, suspendu par un ruban de soie noire, pendait un luth dont le haut manche brun dépassait de l’épaule. Tel était l’homme étrange dont émanait une impressionnante puissance et qui scrutait d’un regard auquel il n’était pas question d’échapper le groupe de gens armés et de moines courroucés.

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– Veuillez m’excuser, dit-il en un français zézayant, excusez, mes amis. Je croyais venir vous arracher à vos prières et à vos méditations, mais de ma vie je n’ai vu saints exercices de ce genre sous le toit d’une abbaye, avec des glaives en guise de bréviaires et des archers comme fidèles. Je crains bien d’arriver au mauvais moment. Et cependant je viens en mission de la part de quelqu’un qui n’aime guère les délais.

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L’abbé et le procureur avaient commencé à se rendre compte que les choses étaient allées beaucoup plus loin qu’ils ne le voulaient et qu’il ne leur serait guère aisé, sans scandale, de sauver leur dignité et le beau renom de Waverley. Aussi, malgré l’allure débonnaire, pour ne pas dire irrespectueuse, du nouvel arrivant, ils se réjouirent de son intervention.

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– Je suis l’abbé de Waverley, mon fils, répondit le prélat. Si votre message a trait à une question publique, vous pouvez me le communiquer ici même dans la salle capitulaire, sinon je vous accorderai une audience. Car il est manifeste que vous êtes un gentilhomme par le sang et par les armoiries, et que vous n’interviendriez point à la légère dans les affaires de notre cour, affaires qui, ainsi que vous avez pu le remarquer, conviennent peu à des gens paisibles comme moi-même et les frères de la règle de saint Bernard.

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– Pardieu, Père abbé, fit l’étranger, il m’a suffi d’un coup d’œil sur vous et vos gens pour me convaincre que cette affaire était en effet peu de votre goût et qu’elle le sera encore moins quand je vous aurai dit que, plutôt que de voir ce jeune homme de noble allure dans la fenêtre molesté par vos archers, je prendrai parti pour lui.

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À ces mots, le sourire de l’abbé laissa la place à un froncement de sourcils.

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– Il vous siérait mieux, messire, je pense, de transmettre le message dont vous vous dites le porteur que de soutenir un prisonnier contre le jugement légitime d’un tribunal.

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L’étranger balaya le prétoire d’un regard inquisiteur.

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– Le message ne vous est point destiné, mon bon Abbé ; il est adressé à quelqu’un que je ne connais point. Je me suis rendu en sa demeure où l’on me dit que je le trouverais ici. Son nom est Nigel Loring.

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– Alors, il est pour moi, messire.

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– Je m’en doutais. J’ai connu votre père, Eustace Loring et, bien qu’il en valût deux comme vous, il a laissé son empreinte bien claire sur votre visage.

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– Vous ignorez la vérité sur cette question, intervint l’abbé, et si vous êtes un loyal gentilhomme, vous vous tiendrez à l’écart : ce jeune homme a gravement offensé la loi et il convient aux vassaux du roi de nous accorder leur soutien.

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– Et vous l’avez traîné ici pour le juger ? s’écria le gentilhomme amusé. Tout comme une compagnie de freux qui jugerait un faucon ! Et je gage que vous avez trouvé plus aisé de juger que de châtier ! Mais permettez-moi de vous dire, Père abbé, que votre situation est illégale. Lorsque de tels pouvoirs furent accordés à vos semblables, ce fut uniquement pour mettre un terme à une riotte ou châtier un serf, mais non pour traîner à votre barre le meilleur sang d’Angleterre et l’affronter à vos archers parce qu’il s’oppose à vos décisions.

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L’abbé était peu accoutumé à entendre de telles paroles de reproche et, qui pis est, prononcées d’un ton mordant dans sa propre abbaye, en présence de tous ses membres réunis.

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– Il pourrait vous en cuire et vous pourriez vous apercevoir qu’un tribunal abbatial détient plus de pouvoirs que vous ne le croyez, messire chevalier, si chevalier vous êtes, vous qui vous montrez si discourtois dans vos paroles.

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L’étranger se mit à rire de bon cœur.

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– Il est aisé de voir que vous êtes des hommes paisibles, dit-il avec fierté. Si j’avais montré ce chiffre – et il désigna l’insigne sur ses revers – soit sur un bouclier soit sur une oriflamme, que ce fût dans les marches de France ou d’Écosse, il n’est point un chevalier qui n’eût reconnu la pile de gueules de Chandos.

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Chandos, John Chandos, fleur de la chevalerie anglaise, le héros de cinquante exploits audacieux et désespérés, homme connu et honoré d’un bout à l’autre de l’Europe ! Nigel le regarda comme en proie à une vision. Les archers reculèrent interloqués, les moines, eux, se regroupant pour voir de plus près ce fameux soldat des guerres de France. L’abbé changea de ton et un sourire reparut sur son visage marqué par la colère.

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– Nous sommes en effet des hommes de paix, sir John, et peu instruits en héraldique. Mais si puissants que soient les murs de notre abbaye, ils ne sont cependant pas si épais que la renommée de vos exploits n’ait pu les franchir et atteindre nos oreilles. S’il est de votre bon plaisir de porter intérêt à ce jeune homme qui a été mal guidé, il ne nous appartient point de contrecarrer cette louable intention, ni de refuser cette grâce que vous requérez de nous. Bien au contraire ! Je suis heureux qu’il puisse avoir un homme tel que vous pour lui donner exemple, en tant qu’ami.

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– Je vous sais gré de votre courtoisie, mon bon Père abbé, fit Chandos d’un ton négligent, mais ce jeune homme possède un meilleur ami que moi, un ami très bon pour ceux qu’il aime, mais plus terrible encore pour ceux qu’il hait. C’est de sa part que j’apporte un message.

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– Je vous prie, très honoré seigneur, de me bien vouloir dire quel est ce message, demanda Nigel.

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– Ce message, mon cher, est le suivant : votre ami va arriver dans ce pays et demande à pouvoir passer une nuit dans le manoir de Tilford, pour l’amour et le respect qu’il porte à votre famille.

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– Certes, il sera le bienvenu, répondit Nigel, mais j’espère qu’il est de ceux qui savent apprécier la nourriture du soldat et coucher sous un humble toit, car nous ne pouvons que donner le meilleur de nous-mêmes, pauvres comme nous le sommes.

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– C’est en effet un soldat et l’un des plus grands, répondit Chandos en riant, et je gage qu’il a dormi déjà dans des endroits plus frustes que Tilford Manor.

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– J’ai bien peu d’amis, seigneur, fit Nigel étonné, et je vous saurais gré de me dire le nom de ce gentilhomme.

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– Son nom est Édouard.

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– Sir Édouard Mortimer de Kent, alors. Ou bien, est-ce Sir Édouard Brocas, dont Lady Ermyntrude m’a si souvent entretenu ?

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– Non, il n’est connu que sous le seul nom d’Édouard. Si vous voulez savoir l’autre nom, il est : Plantagenêt. Car celui qui demande asile sous votre toit n’est autre que votre seigneur lige et le mien, Sa Gracieuse Majesté le roi Édouard d’Angleterre.

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Chapitre 6 LADY ERMYNTRUDE OUVRE LE COFFRE DE FER

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Ce fut comme dans un rêve que Nigel entendit ces paroles prodigieuses et incroyables. Ce fut comme dans un rêve qu’il vit un abbé souriant et conciliant, un procureur obséquieux et un groupe d’archers qui leur ouvrirent le chemin, à lui-même et au messager du roi, au travers de la foule qui obstruait la porte de la salle du chapitre. L’instant d’après, il marchait à côté de Chandos, dans le cloître paisible, et devant lui, au-delà de la grande porte, s’étendait la large route jaune, bordée de verts pâturages. L’air printanier qui embaumait l’atmosphère n’en était que plus doux et plus parfumé, après celui, glacial, du déshonneur et de la captivité, qui venait de refroidir un cœur si ardent. À peine avait-il franchi le portail, qu’il se sentit tiré par la manche. Ayant tourné le regard, il vit l’honnête visage brun et les yeux couleur noisette de l’archer qui avait pris son parti.

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– Alors, jeune seigneur, fit Aylward, qu’avez-vous à dire ?

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– Et que pourrais-je vous dire, mon bon ami, sinon vous remercier du fond du cœur ? Par saint Paul, eussiez-vous été mon frère de sang que vous ne m’auriez pas défendu avec plus d’énergie.

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– Non, cela ne suffit point.

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Nigel, vexé, rougit, d’autant plus que Chandos, l’œil critique, écoutait leur conversation.

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– Si vous avez entendu ce qui a été dit au tribunal, dit-il, vous devez savoir que je ne jouis point en ce moment des biens de ce monde. La peste noire et les moines ont pesé lourdement sur mes terres. C’est avec plaisir que je vous donnerais une poignée d’or pour le service que vous m’avez témoigné, si c’est ce que vous cherchez. Mais je n’en ai point, et je vous répète qu’il vous faudra vous satisfaire de mes remerciements.

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– Votre or ne m’intéresse point, répondit Aylward, d’un ton bref. De plus, vous n’achèteriez point ma loyauté, même en remplissant ma besace de nobles à la rose, si je ne vous estimais point un homme. Mais je vous ai vu monter le cheval jaune, je vous ai vu faire front à l’abbé de Waverley, et vous êtes le maître que j’aimerais servir, si vous avez une place pour un homme comme moi. J’ai vu vos suivants et je ne doute point qu’ils furent de vaillants compagnons du temps de votre grand-père. Mais lequel d’entre eux pourrait encore tendre la corde d’un arc ? Pour vous, j’ai renoncé au service de l’abbé de Waverley. Où pourrais-je trouver un autre poste maintenant ? Si je reste ici, je ne pourrai plus rien faire.

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– Voyons, il n’y a point là de difficultés, intervint Chandos. Parbleu, un archer audacieux, bruyant et crâneur vaut son pesant d’or dans les marches de France. J’en ai deux cents pareils qui me suivent et je ne demanderais pas mieux que de vous voir parmi eux.

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– Je vous remercie pour votre offre, noble seigneur, répondit Aylward, et je préférerais votre bannière à n’importe quelle autre car il est bien connu qu’elle va toujours de l’avant : j’ai assez entendu parler des guerres pour savoir qu’il ne reste plus grand-chose à piller pour ceux qui demeurent en arrière. Cependant si le squire veut de moi, je préférerais combattre sous les roses de Loring car, bien que je sois né dans la centurie d’Eastbourne, canton de Chichester, j’ai grandi et appris à manier l’arc dans ces terres et, en tant que fils libre d’un homme libre, je préférerais servir monseigneur plutôt qu’un étranger.

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– Mon bon ami, répondit Nigel, je vous ai déjà dit que je ne pourrais en aucune façon vous récompenser pour le service que vous m’avez rendu.

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– Si vous acceptez simplement de m’emmener à la guerre, je me chargerai moi-même de ma récompense. En attendant, je ne demande qu’un coin à votre table et une toise de votre plancher, car il est bien certain que la seule récompense que j’aurai de l’abbé pour mon exploit de ce jour, ce sera le fouet pour mes reins et le tabouret pour mes pieds. Samkin Aylward est votre homme, squire Nigel, à partir de cette heure et, sur les os de mes doigts, que le diable m’emporte s’il doit vous arriver de le regretter !

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Ce disant, il porta la main à son casque d’acier en guise de salut, rejeta son grand arc jaune sur le dos et suivit son nouveau maître à quelques pas.

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– Pardieu, j’arrive à la bonne heure, s’exclama Chandos. Venant de Windsor, je me suis rendu directement à votre manoir que j’ai trouvé vide, à l’exception d’une vieille dame qui m’a fait part de vos ennuis. De là, je me suis rendu à l’abbaye et je ne suis point parvenu trop tôt, car je vous assure que le tableau n’avait rien de réjouissant avec ces flèches prêtes à vous transpercer le corps, et les clochettes, livres de prières et autres candélabres destinés à prendre soin de votre âme. Mais, si je ne me trompe, voici la bonne dame.

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C’était en effet la grande silhouette de Lady Ermyntrude, maigre, voûtée, appuyée sur un bâton, qui était apparue à la porte du manoir et s’avançait pour les accueillir. Elle éclata de rire et brandit son bâton dans la direction de l’imposant monastère lorsqu’on la mit au courant de la déconfiture de l’abbaye. Elle les conduisit ensuite dans la grande salle où l’on avait préparé tout ce qu’ils pouvaient offrir de mieux à leur illustre visiteur. Elle avait elle-même dans les veines du sang de Chandos, dont on pouvait retrouver la trace au travers des Grey, Multon, Valence, Montague et autres grandes familles, à tel point que le repas fut pris et presque digéré avant qu’elle en eût terminé d’un imbroglio de mariages et alliances, avec les partitions, rebattements, pièces honorables et modifications par lesquels on pouvait dresser le blason des deux familles pour prouver leur commune origine. Même si l’on remontait jusqu’à la conquête et en deçà, il n’était pas un arbre généalogique de noblesse dont chaque pousse, chaque bourgeon, ne fût lié à Lady Ermyntrude.

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Lorsque la table fut ôtée et que les trois personnages se trouvèrent seuls, Chandos transmit son message à la dame.

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– Le roi Édouard n’a jamais oublié le noble chevalier votre fils, Sir Eustace. Il doit se rendre à Southampton la semaine prochaine et je suis son avant-courrier. Il m’a prié de vous dire, noble Dame, qu’il viendrait par Guildford afin de pouvoir passer une nuit sous votre toit.

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La vieille dame rougit de plaisir mais pâlit soudain, vexée par les termes mêmes.

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– C’est en vérité un grand honneur pour la maison de Loring, bien que notre toit soit humble et, comme vous l’avez pu voir, notre pitance bien simple. Le roi ne se doute point que nous sommes aussi pauvres. Je crains que nous ne passions pour grossiers et avares à ses yeux.

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Mais Chandos écarta ses craintes. La suite du roi, dans laquelle ne se trouvaient pas de dames, logerait au château de Farnham. Tout roi qu’il était, il se souciait peu de ses aises, en vaillant soldat qu’il était resté. Et de toute façon, puisqu’il avait annoncé sa venue, il leur fallait y faire face du mieux qu’ils pouvaient. Enfin, avec beaucoup de délicatesse, Chandos offrit sa propre bourse si elle pouvait les aider dans la circonstance. Mais Lady Ermyntrude avait déjà retrouvé son calme.

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– Non, noble cousin, cela ne se peut faire. Je vais préparer pour le roi tout ce qui sera possible, en me souvenant que, si la maison de Loring ne peut rien donner de plus, elle a toujours mis son sang à sa disposition.

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Chandos devait encore se rendre à Farnham Castle et au-delà, mais il exprima le désir de prendre un bain chaud avant de se mettre en route car, comme la plupart des autres chevaliers, il aimait à se plonger dans l’eau la plus chaude qu’il pût supporter. Ainsi donc le bain, une grande cuve cerclée, plus large mais plus courte qu’une baratte, fut installé dans la chambre d’hôte et ce fut là que Nigel tint compagnie à Chandos qui se détendait dans l’eau.

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Nigel, perché sur le côté du haut lit, balançant ses jambes dans le vide, regardait d’un air étonné et amusé l’étrange visage, les cheveux blonds hirsutes et les épaules musclées du fameux guerrier, le tout disparaissant légèrement dans une épaisse colonne de vapeur. Il était d’humeur bavarde, aussi Nigel l’assaillit-il de mille questions sur les guerres, s’accrochant à chaque mot proféré en réponse, comme si l’autre eût été l’oracle des Anciens parlant au travers de la fumée ou d’un nuage. Pour Chandos lui-même, vieux guerrier aux yeux de qui la guerre avait perdu toute sa fraîcheur, ce fut un rappel de son ardente jeunesse que d’entendre les vives questions de Nigel et de noter l’attention avec laquelle il l’écoutait.

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– Parlez-moi du pays de Galles, noble seigneur, demanda Nigel. Quelle sorte de soldats sont les Gallois ?

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– Ce sont de vaillants guerriers, répondit Chandos en barbotant dans son bain. Vous avez des chances d’avoir de bonnes escarmouches dans leurs vallées lorsque vous y chevauchez avec une petite suite. Ils flamboient comme un buisson d’ajoncs, mais si vous parvenez à en faire baisser la chaleur pendant un court instant, il arrive qu’ils se refroidissent.

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– Et les Écossais ? Vous leur avez fait la guerre aussi, à ce que j’ai compris.

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– Les chevaliers écossais ne reconnaissent aucun maître au monde et celui qui peut tenir tête aux meilleurs d’entre eux, que ce soit un Douglas, un Murray ou un Seaton, celui-là n’a plus rien à apprendre. Si vaillant que vous soyez, vous en trouverez toujours un aussi vaillant que vous, lorsque vous chevaucherez vers le nord. Si les Gallois sont semblables à un feu d’ajoncs, alors, pardieu ! les Écossais sont comme la tourbe, car ils se consument lentement et vous n’en viendrez jamais à bout. J’ai passé de bien bonnes heures dans les marches d’Écosse, car, quand bien même il n’y a point de guerre, les Percy d’Alnwick ou le gouverneur de Carlisle peuvent toujours soulever une petite querelle avec les clans frontaliers.

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– Il me souvient que mon père avait coutume de dire qu’ils étaient de valeureux lanciers.

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– Les meilleurs au monde, car leurs lances ont douze pieds de long et ils marchent en rangs très serrés. Mais leurs archers sont plus faibles, sauf peut-être les hommes d’Ettrick ou de Selkirk qui sont originaires des forêts… Nigel, veuillez ouvrir la fenêtre treillissée, je vous prie. Il y a ici par trop de vapeur… Par contre, au pays de Galles, ce sont les lanciers qui sont faibles, et il n’est point d’archers dans ces îles comme les hommes de Gwant avec leurs arcs en orme : leur puissance est telle que j’ai connu un chevalier qui eut sa monture tuée sous lui après que la flèche eut traversé ses chausses de mailles, sa cuisse et sa selle. Mais maintenant, qu’est-ce que la flèche, comparée à ces nouvelles balles de métal projetées par la poudre et qui déchirent une armure comme une pierre le fait d’un œuf ! Nos pères ne connaissaient point cela.

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– Alors, tant mieux pour nous, s’écria Nigel, puisqu’il y aura au moins une aventure honorable qui sera bien à nous.

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Chandos eut un petit rire et tourna vers le jeune homme rougissant un regard chargé de sympathie.

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– Vous avez une façon de parler qui me rappelle les vieux que j’ai connus au temps de ma jeunesse, dit-il. C’étaient de vrais paladins et ils parlaient tout comme vous. Bien que vous soyez fort jeune, vous appartenez à un autre âge. Où donc avez-vous pris cette façon de penser et de vous exprimer ?

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– Je n’ai eu qu’une seule préceptrice : Lady Ermyntrude.

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– Pardieu, elle a dressé un fauconneau qui est prêt à fondre sur une noble proie. J’aimerais être le premier à vous déchaperonner. Ne voulez-vous point chevaucher avec moi dans les guerres ?

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Des larmes sautèrent aux yeux de Nigel qui manqua broyer la grande main qui pendait hors de la cuve.

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– Par saint Paul ! que pourrais-je souhaiter de mieux au monde ? Je n’aime guère l’abandonner car elle n’a personne pour prendre soin d’elle. Mais si cela pouvait se faire…

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– La main du roi peut faire beaucoup. N’en dites rien avant qu’il soit ici. Mais si vous voulez chevaucher avec moi…

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– Qu’est-ce donc qu’un homme pourrait souhaiter de mieux ? Est-il un écuyer en Angleterre qui ne voulût servir sous la bannière de Chandos ? Et où allez-vous, noble seigneur ? Et quand partez-vous ? Sera-ce pour l’Écosse ? Pour l’Irlande, peut-être ? Pour la France ? Mais hélas ! Hélas !…

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